Dimension sensorielle et perceptive dans la dynamique transféro-contre-transférentielle

Dans cette clinique la dimension transféro-contre-transférentielle prend des formes particulières qui ont trait aux images, aux traces, aux dépôts ainsi qu’à et à la dimension sensorielle et perceptive. On observe ce phénomène en ce qui concerne :

La perception, pour être identifiée à un contenu, a besoin d’une interprétation (externe). Quant à la dimension sensorielle, elle fait appel aux organes des sens, dimension qui est plus inorganisée et brute. Par exemple, en ce qui concerne le processus déchetterie, nous, cliniciens ou accueillants, en voyant ce qu’ils déposent ou ce qui fait trace, nous élaborons une perception du déchet (à leur place) puisque nous l’identifions et lui donnons un contenu, ou, au sens de P. Aulagnier (1975), une « interprétation ».

Ces personnes nous « marquent » dans la rencontre et S. Freud rappelle qu’il n’y a « rien dans la pensée qui ne fut d’abord dans les sens ». Il parle également des « techniques purement sensorielles » qui sont à l’œuvre dans la pensée animiste et chez les primitifs.

Dans Totem et Tabou, Freud évoque la difficile localisation de ces processus, ce qui semble montrer qu’il est difficile de clairement distinguer entre ce qui relève de la perception et ce qui dépend du registre sensoriel : « Dans des conditions encore insuffisamment élucidées, nos perceptions de processus affectifs et intellectuels sont, comme des perceptions sensorielles, projetées au dehors et utilisées pour la formation du monde extérieur, au lieu de rester localisées dans le monde intérieur » (S. Freud, 1913, p. 78).

Si ces sujets choquent et laissent des traces en nous par le biais de notre souvenir, c’est parce qu’ils laissent aussi des traces et des objets concrets qui marquent leur passage.

L’histoire des traces mnésiques (Freud) peut s’inscrire à travers des objets mais aussi à travers la sensorialité.

Notre corps se souvient de choses que nous avons oubliées. L’affect, représentant de la pulsion, bien que réprimé, enfoui ou clivé, reste ancré dans l’expérience sensorielle primitive grâce au « mémoire du corps » (C. Vacheret, 2002, p.151). Percept et image sont liés à l’affect et s’enracinent dans le corps, ce qui fait l’intérêt de l’objet médiateur. En effet la médiation offerte par un objet adapté mobilise les voies perceptives, ouvrant ainsi la voie vers l’affect.

Les traces mnésiques9 originelles, passe par les organes de sens et ces traces peuvent être scopiques, en image visuelle. Freud dans L’interprétation des rêves (1900) et dans le Moi et le ça, (1923)parle de « pensée en images » comme proche surtout du fonctionnement préconscient. La pensée en images est constituée de ce qui relève d’images visuelles, d’images olfactives, d’images auditives, etc. Des objets et des lieux mobilisent des souvenirs ou des images en appui sur une dimension sensorielle.

Notes
9.

Dans le cadre de cette étude, je fais référence aux traces mnésiques au sens où elles participent à rendre compte de l’inscription du souvenir ou à frayer un passage dans ce sens. Un ensemble d’expériences corporelles, de sensations et d’affects constituent les traces mnésiques. Les termes connexes, tels que la représentation, l’image, et la sensorialité sont pertinents dans le champ étudié où ces personnes font sensation. La représentation que nous faisons de ces sujets nous parvient au travers de la perception (qu’ils mobilisent et que nous faisons d’eux), et qui nous parviennent par nos organes de sens.