Une présence - absence ambiguë

L’image est un entre-deux entre présence – absence. Ce qui lui confère naturellement un rôle de médiatrice. Dans beaucoup de civilisations elle possède cette capacité de médiation.

S. Tisseron(1996, p. 85) fait une distinction entre ce qu’on appelle « symbole » ou « signe » lorsque ces mots sont appliqués à l’image.

L’image comme symbole crée un lien entre deux systèmes. La signification visible de l’image renvoie à un monde de significations cachées. Par exemple dans la symbolique chrétienne, l’agneau est une image du Christ crucifié.

Au contraire, l’image comme signe exige un déchiffrement spécifique selon un code. L’image pensée comme signe n’indique pas une signification univoque mais laisse au spectateur le soin de trouver son chemin vers un ailleurs qui correspond à ses convictions (religieuses ou laïques).

Mais qu’en est-il du lien symbolique en rapport avec l’image ? Au travers de l’étude du rêve, Freud a été amené à privilégier le lien symbolique lorsqu’il se situe entre représentation de mot et représentation de chose.

S. Ferenczi a soutenu (1913) que l’essentiel consiste dans l’identification par l’enfant des objets externes à ses propres zones corporelles, puis le refoulement de ce lien. Ainsi, le symbolique serait tout ce qui serait reconnu comme représentant de l’objet et utilisé pour surmonter la perte.

H. Segal (1957) et N. Abraham (1978b) ont chacun une compréhension différente, mais tous deux insistent, non sur le symbole lui-même, mais sur l’opération symbolique qui sous tend son apparition. N. Abraham considère qu’il faut envisager l’ensemble des opérations selon une continuité. Le symbole serait le déplacement d’un conflit et résulterait d’une opération par laquelle deux forces trouvent leur issue dans une production originale ou un symptôme.

Avec la sémiologie, l’image revendique un système de signes échappant à tout système symbolique et même à toute référence à son créateur. Les images visent à être reconnues comme génératrices de leurs propres unités signifiantes.

Avec ces différentes approches de l’image, la pensée de l’image comme symbole, signe ou système de signes, l’image, reste une forme de « présence dans l’absence ». L’évolution de nouvelles formes de l’image nous invite à tenir compte de ses pouvoirs de signification et des pouvoirs symboligènes des productions imaginaires. Ce qui nous intéresse dans le cadre de cette thèse, c’est une approche qui nous éclairerait sur la manière dont ces images sont susceptibles d’accrocher et de retenir notre attention.

Pour les auteurs comme Lacan et Lévi-Strauss, l’accès à ce principe symbolique fonderait l’existence humaine en tant que radicalement différente du règne animal. Cela passerait par la constitution d’un discours capable de rendre fictivement manifeste une présence reconnue comme à jamais perdue. C’est précisément la représentation de cette absence fondamentale qui fonderait le socle des mythes, des systèmes de croyance et des religions dans les institutions humaines. Nous devons d’ailleurs à J. Lacan (1938, in Les Ecrits, 1966) d’avoir développé le caractère aliénant de l’image. Le système symbolique est constitué par le langage et ses lois qui préexistent à chaque sujet. Ce système symbolique du langage s’oppose au domaine de l’imaginaire - domaine qui relève du regard et de la captation spéculaire. Le rapport au double est une des figures souvent envisagées dans l’image. Tout sujet est aliéné à sa propre image. Le regard spéculaire est aliénation et comme avec le mythe de Narcisse, c’est ce qui l’amène à se perdre dans la recherche de son image.