4.2. L'objet médiateur comme outil dans l’approche des sujets

La démarche méthodologique de cette recherche utilise comme outil de recueil un objet médiateur qui est la photographie. La notion d’objet médiateur, dans la perspective du champ théorique de W.R. Winnicott, fait également partie de cette recherche. Je vais, d’ores et déjà, préciser sa place et sa fonction dans la méthodologie.

Pour spécifier que l’objet médiateur dont il est question n’est pas la photographie seule, je voudrais appuyer les propos de R. Kaës qui précise que la photographie est comme d’autres supports qui « (…) ne sont des objets médiateurs que par les termes entre lesquels ils frayent un passage » (in C. Vacheret et al. 2000, p. 6). Celui-ci est considéré comme un objet médiateur en tant qu’il fonctionne en articulation avec plusieurs appuis tels que la photographie, mais également à des moments différents, l’appareil photo, les accueillants, le groupe et le contexte relationnel des dispositifs, le lieu et les objets du dispositif. C'est-à-dire l’environnement.

En effet, la particularité de la méthode de l’approche du SEU par le médium de la photographie ne tient pas seulement de la photographie elle-même en tant que « médiation », ce qui est important, ce sont les caractéristiques du médium qui est utilisé dans le but optique de produire du lien là où le lien est en souffrance.

L’activité de photographier est une méthode d’approche du sujet et en même temps elle s’offre comme médiation. C’est pourquoi ma démarche méthodologique utilise un premier temps qui est relationnel, concret et articulatoire, avant d’inclure, dans un deuxième temps, le support photographique. Un troisième temps était possible dans un nombre limité de cas seulement : un temps pour revenir ensemble avec le sujet pour regarder la photo et pour en parler. Et même dans l’impossibilité de réaliser cette rencontre avec le sujet autour de sa photo, au cours de ces différents temps préalables, elle était en position médiane et articulatoire entre ces deux termes, où sa médiation pouvait rendre possible un lien nouveau. La médiation est un élément facilitateur entre au moins deux termes qui sont disjoints.

R. Kaës insiste sur l’importance d’un contexte relationnel propice à accueillir la fonction médiatrice d’un médium : « Ce n’est pas le médium, l’objet en soi qui est médiateur, c’est la fonction médiatrice que le médium accomplit en raison de certaines de ses propriétés, dans un contexte relationnel donné et apprêté pour y produire un effet de médiation » (ibid. p. 6).

Des « flashs » à défaut de photos et d’anamnèses

Pour réaliser un travail sur la photographie, l’accord et l’adhésion du sujet photographié est nécessaire. Certaines personnes rencontrées ont bien voulu parler avec nous de leur vie, mais n’ont pas souhaité se laisser photographier. Ne pouvant être « prises » en photo, elles risquent donc de se voir exclues du recueil des données dans une étude qui les concerne directement, puisqu’elle porte sur la fonction psychique de la photographie auprès des SEU. D’autres, bien que nous ayons pu les photographier, n’ont pas pu fournir de matériel amnèstique et risqueraient également de se voir exclues de la recherche. Ces deux catégories de sujets resteraient alors en « dehors », tout comme elles restent en « dehors » de la réalité sociale. Ma démarche méthodologique consiste donc à les conserver à l’intérieur de cette recherche en montrant des « flash stories » : une série de vignettes cliniques qui les rend visibles grâce à la capacité imageante du lecteur.