2. L’utilisation de la photographie dans la recherche et dans l’accueil auprès des SEU

2.1. La naissance d’une question théorique au travers du vécu intime du chercheur

Lors de ma pratique professionnelle, j'ai eu l’occasion d’observer l'utilisation de la photographie dans deux dispositifs d'aide auprès des SEU. Il me semblait qu’elle pourrait constituer un intérêt scientifique et/ou thérapeutique dans ce champ. Je reprendrai donc le cours de mon propre processus de découverte de l’objet- photo pour ensuite en analyser la pertinence heuristique.

Dans le cadre de cette étude nous avons affaire à des sujets qui ont vécu et continuent souvent à vivre des ruptures et des coupures. Ces expériences de ruptures se traduisent par une incapacité à se sentir dans une continuité d’existence. Le fil conducteur du travail présent, qui s’appuie sur un travail antérieur, est l’idée de la nécessité de rétablir une continuité dans le sentiment d’existence du sujet. A partir de cette idée, mes interrogations se sont centrées autour de la contribution de la photographie comme révélateur de la problématique de contenance psychique des SEU. Mon approche de l’errance s'inscrit dans une double position : d’une part dans ma pratique professionnelle comme infirmière, ensuite en tant que psychologue, et d’autre part au travers de ma position de chercheuse en psychologie clinique. Le contact avec ces personnes fait vivre à ceux qui les côtoient de près des choses qui sont sans doute de l’ordre de ce qu’elles ont vécu. Ce vécu s’étaye et se ressent également dans la recherche elle-même, notamment au niveau des capacités du chercheur à trouver/ créer/ retenir son objet de recherche (ou de sa centration sur des objets de recherche). Ces vécus concernent des problèmes d’orientation spatio-temporelle qui viennent mettre en difficulté le chercheur dans sa construction d’une méthodologie. On pourrait décliner ces vécus comme suit : éparpillement dans l’espace de la problématique, brouillage des frontières dans son positionnement, honte vécue devant les dérapages, découragement et oubli d’outils théoriques adaptés, pertes des traces de certaines situations cliniques. Autant de situations qui rendent nécessaire la fourniture, pour tout accueillant et pour la chercheuse également, d’une fonction de contenance dans la rencontre avec les personnes en errance. Cette fonction de contenance permet une certaine unification des vécus de dispersion que le contact avec les expériences d’errance fait vivre. Aussi est-ce par nécessité, pour retrouver moi-même un sentiment de continuité dans la recherche, que j’ai envisagé une réflexion sur l’image et sur la fonction de la photographie auprès des SEU.