2.2. L’image non seulement pour les SEU, mais pour les accueillants- aidants

Un autre aspect concernant la pertinence d’un travail sur l’image avec cette population tient au fait que parmi les « accueillants » (professionnels ou non), beaucoup sont eux-mêmes, ou ont été, dans une situation proche de celles des personnes qu’ils accueillent. Il peut s’agir dans certains cas d’une rencontre personnelle avec la précarité, mais aussi d’une crainte face à la précarité ou aux pertes de liens. Ce vécu est parfois même à l’origine de l’entrée dans ce secteur de travail ou d'activité. D’autres, confrontés à des remaniements identitaires issus de ruptures d'ordre familial, professionnel ou personnel, peuvent être poussés à effectuer des passages transitoires ou plus longs dans ce travail, comme une étape sur le trajet de leur reconstruction ou redémarrage. Certains accueillants qui restent à long terme dans ce domaine d’activité sont d’anciennes « personnes en difficulté » qui ont gravi les échelons et sont « passées de l’autre coté », s’inscrivant dans un processus de réinsertion.

Il serait aussi erroné de faire des généralisations trop rapides et rigides sur la provenance, le passé et les processus des personnes travaillant avec les SEU que sur les errants eux-mêmes. Cependant, il me semble que des effets de miroir peuvent souvent être repérés qui permettent aux accueillants de s’identifier, ne serait-ce qu’un minimum, aux personnes accueillies. Et ce n’est sans doute pas un hasard si, au début de mon activité dans ce champ d'intervention, je me suis trouvée touchée par un vécu qui, d’une certaine façon, faisait écho à ce que ces personnes apportaient. Devant cette résonance qui pourrait constituer une entrave majeure à l’accompagnement, un travail sur l’image trouve toute sa logique. En effet, la photographie n’est pas un simple miroir. C’est au contraire sa fonction de diffraction des images et le recul qu’elle autorise face aux images trop réfléchissantes ou adhésives qui m’ont été utiles.