Deuxième partie. Cas cliniques et analyse théorico-clinique : Lieu A et Lieu B

Chapitre 1 : La clinique du Lieu A

1. Elko : capturé dedans mais abandonné dehors : le paradoxe du rodéo urbain

Cette partie de l’étude sera consacrée au rôle du miroir relationnel du dispositif d’accueil dans le maintien de l’identité des sujets.

Sur le visage de la mère, l’enfant cherche les indices qu’elle peut lui refléter sur sa propre existence mais également sur son environnement. Winnicott affirme que ce que l’enfant voit dans ce reflet, c’est lui-même. La place du sujet dans le regard d’autrui sera développée au travers du cas d’Elko.

Le cas clinique suivant relate le parcours d’un jeune homme, Elko, qui fut accueilli pour la première fois dans le lieu d’écoute trois semaines après l’ouverture du local. Un an et demi après, nous continuons à le rencontrer.

Ce soir il est assis sur le trottoir, dos appuyé contre un mur. Au dessus de lui une affiche : « tu t’es vu quand t’as bu ? » Il a bu.

Elko, âgé de trente-quatre ans, est originaire de Grenoble. De taille moyenne, maigre, il est vêtu d’habits de « cow-boy »: santiags, chapeau, veste en cuir frangée. Un sourire franc révèle une mauvaise dentition. Yeux clairs, front haut, une sympathie se dégage de lui. Il s'exprime avec facilité. Il raconte qu’il est à la rue depuis sept ans et qu’il a vécu pendant quelques années avec une femme plus âgée que lui (une dizaine d’années), du côté de l’Alpe d’Huez. Elle travaillait et lui vendait de façon ponctuelle des journaux. La vente marchait bien. Cependant, le père de sa compagne désapprouvait leur liaison et la femme finit par rompre avec lui. N’ayant plus d’appartement, ce fut “ la dégringolade ”. Il est venu dans la petite ville où se trouve le lieu A parce qu’une de ses sœurs habite la région. La dégradation de sa vie entraîna une rupture des liens familiaux. Au bout de quatre ans d’errance et après un coma éthylique, il est d’accord pour un placement en hôpital psychiatrique. Il dira de cette cure de sommeil et de « décrochage », « je me suis refait une santé ». Le moment de l’hospitalisation a été une occasion de retrouvailles avec sa famille. « Ils s’inquiètent de ma santé lorsque je suis au chaud dans l’hôpital alors que toute l’année je suis dehors, dans la rue ». Sorti de l’hôpital, il se trouve de nouveau seul et sans logement. Il rechute. Au travers du récit d’Elko, de l’utilisation qu’il fait des espaces institutionnels, d’une part, et de la rue, d’autre part, nous allons nous centrer sur la fonction de ce dispositif intermédiaire dans l’espace psychique entre le soignant et le marginal.