La main pour mieux s’approprier l’objet par manipulation

La notion de médium malléable est un concept avancé par M. Milner (1942, trad1969),et développé par R. Roussillon (1991b, p. 137, 1999a, p. 183), auquel la pâte à modeler sert d’archétype. Les caractéristiques d’un tel médium illustre une forme d’appropriation par manipulation et une forme de « découvert par tâtonnement » qui semble être à l’œuvre dans la régulation du lieu d’accueil en question. Le modèle du médium malléable, par sa référence à l’établissement des relations précoces avec l’objet primaire, facilite notre compréhension des avatars de l’intégration de l’objet primaire dans l’expérience du sujet. En nous renseignant sur les modes d’appropriation de l’objet primaire aux stades précoces, il peut nous éclairer sur l'appropriation, à l’âge adulte, « d’objets » appartenant à un espace précis, tel qu’un lieu d’accueil. La main peut être considérée comme organe qui fait office de pensée. Prolongation de la pensée et du visuel, la main sonde, touche, fouille, prend ou délaisse. C’est un appareil actif capable de contact ou d’initiative.

D. W. Winnicott (1971, p. 154) parle des phénomènes de « holding » et de « handling ». Tous deux sont des mouvements mettant deux corps au contact l’un de l’autre. Si le holding concerne un contact bras/corps impliquant une notion de portage, le handling, lui, se réfère à des mouvements d’une dextérité beaucoup plus fine. Dans le « handling », il incombe à la main de sonder les caractéristiques de l’objet encore inconnu. Notons que le « handling » peut aller du « tripotage » brutal à l’effleurement délicat. Ce qui compte pour l’enfant, au-delà de la seule satisfaction des besoins, c’est la manière dont les objets de satisfaction lui sont présentés, ainsi que les sons et la parole qui les accompagnent. Ce phénomène est donc d’une importance capitale dans la manière dont les informations concernant le monde extérieur « rentrent » à l’intérieur de l’enfant. Il modèle l’enfant perceptivement, déterminant ainsi, tout au long de la vie, son processus d’appropriation de l’environnement. La pensée va donc se reposer sur des transformations de l’appareil psychique en lien avec ce que la main va fournir sur l’imperceptible.

Dans le langage courant, de nombreuses expressions utilisent l’image de la main. Parmi elles, nous pouvons citer : « la main-mise », «la main sur le cœur », « prise en main », « remanier », « manipulation », «tendre la main ». Rappelons également l’influence de la main dans l’établissement des premières relations au monde. La main est un organe de manipulation qui permet de se saisir des objets, d’atteindre l’autre, de se toucher soi-même.. D’avoir une emprise sur l’environnement.