3. Demo et Riri : Une clinique de la surface comme avatar de l’intériorité

3.1. Trajectoire spatiale d’habitation d’un couple punk ou la spirale infernale : notions spatiales et repères préliminaires

J’ai rencontré Demo et Riri, couple punk, dans le cadre de mon travail professionnel au Lieu A. Ils m’aident à illustrer ce qu’on pourrait appeler une clinique de la surface comme avatar de l’intériorité.

On va aborder cette problématique de l’intériorité par le traitement que ces sujets « punk » font de la surface ou de la périphérie.

On va aborder la question de la surface par

  • la surface du corps qui est matérialisée par la peau
  • la surface de l’habitation qui est davantage imaginaire ou symbolique

Au préalable il sera utile de préciser les termes que j’emploi dans ce contexte précis. En référence aux sujets en état d’errance, on parle d’une problématique spatiale parce qu’ils témoignent d’une confusion ou d’un renversement entre ce qui constitue l’espace public et l’espace privé.

La spatialité : Terme qui se rapporte à l’espace, à l’étendue (Dictionnaire Encyclopédique Le Petit Larousse Illustré, (1996), Paris, Larousse, 1995).

La spatialisation ou l’action de spatialiser : Action qui permet de s'adapter aux conditions de l'espace. Au sens physiologique, ce terme veut dire localiser une sensation auditive ou visuelle.

La notion de surface : La surface n’appartient ni à la catégorie du dedans, ni à celle du dehors. C’est une zone qui entoure les lieux, les relations et les objets. Sans appartenir directement aux échanges entre les lieux et les objets, la périphérie y participe.

Le corps possède une surface matérialisée par la peau qui fournit un contour et qui contient la vie biologique. Les orifices du corps séparent ce qui doit rester dans le corps de ce qui doit en sortir.

L’habitation ou le logement possède des limites qui séparent les activités privées du sujet de ses activités publiques. L’espace d’habitation contient l’intimité du sujet.

La notion d’une surface d’habitation  : J’ai établi une analogie entre :

  • la manière d’habiter son corps et de traiter sa surface.
  • la manière d’habiter une structure, un espace (logement, squat, rue ou institution).

On peut imaginer que l’habitation possède une surface également, en se rappelant qu’il y a des modes différents pour entrer et pour sortir d’une habitation. Cela peut se faire brusquement ou respecter des échéances. Il y a des seuils qui déterminent les passages entre l’intérieur et l’extérieur d’un espace clos. Ils sont matérialisés par des portes et des fenêtres à fermer, à claquer ou qui restent grands ouverts. Dans l’habitation il y a différentes manières d’entretenir des relations avec d’autres habitants du même lieu ou avec les personnes de passage. Ces diverses façons de traiter l’habitation constituent des façons de marquer le passage du sujet dans un lieu et de laisser des traces. C’est l’investissement ou au contraire l’absence d’investissement qui fait que l’habitation est pleine ou vide et aussi que l’habitation possède une surface ou une interface où quelque chose du sujet qui puisse venir s’y inscrire.

Auprès des sujets en errance, le lieu d’habitation révèle souvent une problématique de confusion des espaces. Ils font de l’espace public le lieu de leur vie intime. Par exemple en couchant dehors, leur vie privée est exposée publiquement. La sphère de l’intimité et de l’intériorité est affectée par l’absence de séparation entre l’espace public et l’espace privé. Hormis les causes économiques, une problématique psychique sous-tend ce brouillage des frontières et des espaces. R. Kaës (1996, p.45) nous dit que le trauma affecte le préconscient et les processus transitionnels qui, normalement, assurent la séparation entre les actes et la pensée, entre le dire et le faire. Les effets de la confusion topique des instances psychiques sont rejoués dans les liens intersubjectifs mais également dans la confusion des domaines publiques et privés de l’espace social. L’inversion des espaces, public et privé, peut être interrogée comme un symptôme de cette confusion psychique.

La surface de l'habitation tout comme la surface du corps est le lieu où se situe le passage entre l'intérieur et l'extérieur. Je propose de considérer, auprès des sujets en «organisation limite», des similarités dans leur manière d'opérer ce passage (entre le dedans et le dehors) et dans leur manière de traiter la surface d'habitation mais également de traiter la surface de leur corps.

A l'adolescence, il est intéressant de noter que l’errance se situe presque toujours à la périphérie (ou à la surface) de l’institution et de la famille.

Demo et Riri qui sont en errance illustrent cette alliance entre l’espace extérieur et le corps. En effet quelque chose se rejoue dans la manière dont ces sujets investissent l’espace d’habitation et dans leur manière de traiter la surface de leur corps. Plus précisément, la place qu’occupe la surface dans leur développement et dans leur fonctionnement psychique sera développée.

Le développement du cas sera facilité en suivant le schéma ci-joint. Je m’y référerai pour suivre l’espace d’habitation du groupe punk de Demo et Riri signalé par des chiffres dans le texte que je commenterai.

Le schéma permet de repérer :

  • la modalité de rupture à l’origine du passage d’une habitation à une autre.

Nous prêterons attentionégalement à :

  • La question des traces (inscriptions corporelles, tatouages, anneaux, “tags” mais également ce qui marque le spectateur : c’est à dire la violence ou le passage par l’acte.

Si Demo et Riri ont des antécédents et des conduites très différentes, ils ont en commun « un look » et une surface corporelle peu ordinaire.