3.3. Habiter un lieu « en surface » permet de rester en marge

La notion de surface d’habitation semble se confirmer car les séquences d’habitation nous montrent que si l’objet, la relation et le lieu ne sont pas investis, la périphérie l’est. Les passages entre ces lieux d’habitation s’effectuent dans la rapidité et dans la violence ou l’agressivité. Cependant, il y a retour à la positon périphérique, situation d’ailleurs souvent fort similaire à la situation précédente. Les points de rupture qui se situent, eux aussi, entre le dedans et le dehors, semblent effectivement chargés d’un potentiel de violence. Ces situations de rupture s’organisent en sites traumatiques, semble-t-il, fixation à ces points de rupture et répétition du traumatisme. On pourrait penser que ces points de rupture sont le site du débordement pulsionnel et sont libidinalisés de telle sorte que le sujet convoque l’excitation à l’endroit même de la rupture pour pouvoir répéter au dehors, la scène traumatique.

Notre réflexion sur la surface du corps rejoint notre propos actuel sur l’espace d’habitation. La fixation des objets aux orifices du corps, les inscriptions sur la peau nous orientent vers l’idée d’un vécu traumatique ayant laissé une prégnance et une trace mnésique liées aux zones corporelles en question. Freud dans Au-delà du principe de plaisir définit la fonction pare-excitation (1920, éd.1951, pp.5-57). Dans l’histoire infantile du sujet,la défaillance de cette fonction a peut être confronté le sujet au trauma, issue d’absence de protection ou bien d’un excès d’excitation, empiétant ainsi le psychisme. Il devient alors impératif de mettre au dehors la partie mauvaise, ou encore de déformer le soi pour « sauver sa peau » du danger au dedans. Les défenses s’organisent ainsi contre l’intériorisation de cet objet.L’identification projective participe à maintenir la toute puissance du sujet contre la destruction interne. Les fantasmes de Demo portent sur l’avidité et l’égoïsme de la société ou sur les « bourges » qui sont imaginairement contre lui, le plaçant en position de victime. En général, le langage est infiltré d’angoisse à l’égard de l’ennemi. Il sera question, en parlant de la police, par exemple, d’employer des termes véhiculant la nécessité de protéger tout particulièrement les orifices contre l’envahissement (« le juge m’a niqué »), ou de se protéger contre la perte de leurs propres substances (« ils m’ont fait baver ») ou (« ils m’ont pris la tête »), ce qui sous-entend le contenu du cerveau. C’est donc par les orifices que « l’on se fait avoir », mais la domination peut aussi s’inverser comme avec les composantes érotiques et agressives de l’économie sado- masochiste (M. Houser, in Bergeret, 1992, p. 16-17). L’angoisse de ce type, c’est de ne plus assez contrôler l’objet. Ce qu’il redoute c’est d’être atteint, par surprise, par l’objet. La problématique externe (ruptures brutales, violences, instabilité) reflète l’angoisse interne.