3.4. La surface comme ancrage par entravement du préconscient

Pour les sujets comme Demo, il existe peu d’accès à l’imaginaire et à la formation du préconscient. L’entrejeu intersubjectif, la capacité d’attente, la contention et la transformation d’excitations – fonctions qu’offre le préconscient – se trouvent entravées. Tout porte à croire que Demo, hors de la présence intrusive d’un autre, n’a pas réussi à se « nider » dans un espace psychique propre à lui. Une identité du corps à corps semble ne laisser comme surface d’inscription que sa chair. Même les injures et les jurons qu’il prononce : pauvres, vulgaires, criants, forment un écho dans lequel se reflètent des accusations déplacées venues d’une Autre.

Dans ce mouvement circulaire et autoentretenu, la haine demeure constamment à l’avant-scène. Des menaces de violence, des recherches de limites par provocation, évitent de penser. Agir avec immédiateté « (dis) pense »d’avoir une vie psychique. R. Kaës (1996, p.45 ; 1997, pp. 43-44) explique les effets du traumatisme sur les instances psychiques et les systèmes qui en sont héritiers. Les failles dans la formation du préconscient sont à l’origine d’un double collage dans l’appareil psychique :

Le passage à l’acte et la réponse agie prend un sens logique au regard du rôle de l’intersubjectivité assumé par le préconscient dans l’appareil psychique. Dans le préconscient ainsi écrasé, les processus transitionnels n’assurent plus la séparation entre les actes et la pensée, ni entre le dire et le faire. Cette vignette révèle les effets de la confusion topique des instances psychiques qui se trouvent rejoués dans les liens intersubjectifs. On constate les regroupements par « agglutinement » superficiel plutôt que par des liens stables. En effet, entre les sujets eux-mêmes, l’espace et les liens sont également confus et confondus. Il en est de même de l’occupation de l’espace topologique, où la frontière entre intérieur et extérieur se brouille. En résumé, il semble exister une confusion topique intrapsychique tel que les effets d’un vécu traumatique qui sont décrits par C. Janin (1996) en termes de collapsus topique. Ces effets s’étayent sur le télescopage des domaines publics et privés de l’espace social; espace aussi bien interpersonnel que géographique (topologique). Le sujet donne à entendre et à voir, au gré de son errance et de ses rencontres, le récit et le mime de son expérience intime sur la scène publique.