4.1.1. Des fantasmes communs sous-tendent les pratiques.

Ici, il s'agit d'un fantasme d’assimilation du SEU aux déchets.

Le fantasme d’une violence active ou potentielle plane sur ces personnes et sur les lieux qu’ils fréquentent. Le directeur du CHRS de la ville est également responsable de la gestion de cet abri de nuit et du personnel qui y travaille. Plusieurs fois la police est intervenuepour y rétablir l’ordre. Il est vrai que les portes et les fenêtres de ce bâtiment en préfabriqué étaient munies de barreaux. Le fait qu’il soit situé à l’extérieur de l’enceinte de la ville, en zone industrielle sur un terrain vague, ne le rendait pas très accueillant, ni accessible. Le matin au Lieu A, nous recevions les comptes rendus de ce qui s’était passé la veille à l’abri de nuit. Nous avons eu, en direct, le récit d'un braquage avec arme. Plusieurs H.D.T. sur un mode violent ont également eu lieu à partir de l’abri de nuit.

Un autre fantasme qui répond sans doute aux deux fantasmes précédents est la nécessité de se débarrasser des SEU :

  • à cause de leur « dangerosité »
  • parce qu’en tant que « déchets », ils devraient rester contenus dans la zone de la déchetterie, ce qu’ils ne font pas.

Une histoire reste inscrite dans la mémoire collective du milieu d’accompagnement psychosocial de cette ville. Selon elle, la police, autrefois, ramassait SEU et marginaux et les transportait en camion, la nuit, en haut d’une montagne proche de la ville du Lieu A, où elle les lâchait dans la nature. Les professionnels de la prise en charge psychosociale qui m’ont fait ce récit y croient toujours. On voit donc combien ce fantasme persiste – non sans raison, d’ailleurs, si l’on se souvient de la pétition – avec 14 pages de signatures – adressée à la Mairie, et où il est question de personnes, présentées comme de la « racaille » - qui ternissent l'image et les trottoirs « d'une des plus belles villes de France » et sèment la terreur.

En voici un extrait :

« Les habitants du centre ville, gare, poste, subissent la faune (…), plutôt que la flore. L'une des plus belles villes de France doit-elle continuer à ternir son image de marque en faisant fuir les touristes, en laissant la racaille ternir les trottoirs, et installer la terreur chez nos retraités ou provoquer nos commerçants déjà en difficulté ?».

Un autre fantasme est l’assimilation du lieu et de l'équipe au ventre maternel archaïque. Nous y reviendrons.