4.4.1. Notion de pratique à risque de la part des soignants

La présence et l’appui d’un groupe constitué par les rituels du lieu jouent sans doute un rôle protecteur et apportent une certaine stabilité. Il ne faut cependant pas sous-estimer les risques encourus pendant sa mise en place et à tout moment ultérieur.

Les équipes d'éducateurs de terrain «concurrentes» de la ville arrêtent leur service à 18 ou 19 heures. Les horaires tardifs pratiqués par l’équipe du Lieu A (jusqu’à 22 heures) font partie des points forts du dispositif dans le discours que tient le directeur du CHRS sur la place publique du social. C'est un des points qui tranche entre nous et les autres services. D'après Roger, ce sont à ces heures où «les gars» ont le plus besoin de nous que les autres «fonctionnaires des services sociaux» rentrent à la maison. De son point de vue, l’organisation de l’institution est « bonne » à partir du moment où nous sommes toujours disponibles.

Par ailleurs, alors que l'accueil de jour convoque les gens sur rendez-vous pour leurs démarches, l'équipe du Lieu A se déplace à pied la nuit sur les lieux où ces personnes se regroupent (gare, squares, lieux de manche). Est-ce la disponibilité quasi permanente des accueillants qui les rend « bons » et « crédibles » ? Faut-il avoir une pratique à risque pour être reconnu dans ce travail avec ce type de population ? Cela pose de nombreuses questions sur le genre de travail qu’on doit et qu’on peut effecteur pour aider ces personnes, sans pour autant être dans la répétition de leur fonctionnement psychique.

La notion « expérimentale » de ce dispositif explique la nature du travail de « tâtonnement ». On procède par essai/ erreur. Avancer, buter, détourner l'obstacle, passer ailleurs, se tromper, revenir. Notre façon d'avancer peut faire écho à la démarche « bourrée » des SEU. En ce sens, il existe des influences réciproques entre le lien d’accompagnement et la population prise en charge.

Ces interrogations et bien d’autres auraient pu et auraient dû, à mon avis, faire l’objet d’une supervision.