Chapitre 2. La clinique du Lieu B

L’origine de ma rencontre avec les sujets dans le cadre du Lieu B tenait au faite qu’ils soient « à la rue », ou bien qu’ils aient besoin d’être hébergé ou besoin d’être transportés jusqu’à l’hébergement d’urgence. J’ai repris plusieurs productions qui ont été élaborées dans le cadre de la réalisation d’un diaporama dont j’étais chargée lors de mon travail professionnel au Lieu B. Les photographies, mais surtout la rencontre avec les sujets sur leur terrain m’a permis de faire une représentation du vécu des sans-abri et de ce qui constitue leurs diverses formes d'habitat ou les espaces qu’ils fréquentent (la rue, les habitats de fortune, les squats, les centres d'hébergement d'urgence, les chambres d'insertion, les appartements). Ces diverses expériences me permettent de me faire progressivement une représentation de leur rapport à ces lieux.

A l'aide de plusieurs vignettes, j’ai tenté de donner une idée des besoins des personnes, exprimés dans leurs propres termes. Dans un second temps, ces demandes brutes seront reprises pour aller au-delà du discours manifeste. Souvent les plaintes exprimées ne contiennent pas l'expression d'un besoin ou d'une demande. Parfois les paradoxes auxquels ces sujets nous confrontent, ainsi que d'autres indices discrets, nous aident à saisir des facettes supplémentaires de leurs (non) demandes. C'est toujours dans une relation avec l’autre que le besoin s'exprime. Au travers des besoins, nous rencontrons une personne et parfois un groupe dont elle est représentative.

Ceux que j’ai rencontrés dans le cadre d’une étude-reportage et dans la réalisation d’un diaporama ont, en partie, des problématiques similaires à celles qui ont permis de rendre possible la recherche-action CHO 2000 (Rapport E. Pochet, 2000). Parmi d'autres analyses, cette étude a mis en évidence le phénomène de récurrence dans l'utilisation des centres d'hébergement de Lyon et de la Courly. Cette donnée confirme l'idée que ces personnes répètent des trajectoires et des itinéraires assez stéréotypés dans l'espace urbain et les lieux institutionnels (Johnson-Boiraud, 1997-1998).Le repérage des souffrances psychiques (cf. art. V.Charvolin)parmi cette population, ainsi que les témoignages de la Veille Socialelors de son travail dans la rue, renseignent sur le vécu des «marginaux», faisant apparaître un certain nombre de constantes ou de caractéristiques générales. Parmi les points qui influencent leurs «choix» d'habitat, nous garderons à l’esprit :

  • La difficulté à se confronter à la solitude
  • L’altération de repères spatio-temporels
  • Un seuil bas de tolérance à la frustration (immédiateté)
  • La perte de confiance en soi et en autrui
  • L'extériorisation de leurs scènes internes par des passages à l'acte par la violence ou bien, à l'opposé, un retrait ou un repli marqué.

Si ces «lignes de faille» ou ces «zones de fragilité» sont sources de souffrance dans la vie affective et sociale des «marginaux», elles le sont également pour leur entourage et ceux qui les accompagnent.