2.5.1. L’errance et la dimension spatiale

Dans l’errance, ce qui pose problème, ce sont les lieux. C’est seulement dans l’après coup que je m’en rends compte que lors de l’entretien je suis en train de renseigner Zahiri par rapport à des repères dans l’espace. Précisément il ne s’agit pas dans la demande latente de Zahiri d’espace réel mais plutôt de lieu où exister. De plus, bon nombre de lieux que je lui indique, ce sont des lieux qui ne possèdent pas d’adresse définie. C’est un peu à l’image des sujets en errance qui sont eux-mêmes sans adresse, sans domicile, que l’on trouve partout et « de nulle part ».

Des lieux non-lieux

Les termes que j’utilise pour donner des repères à Zahiri comportent des connotations en lien avec des lieux qui sont des non- lieux. Par exemple, « Le Mail » est un accueil pour des femmes en difficulté et sans - abri. La gare est un non-lieu par excellence car elle ne se situe pas dans un réseau de rues. Elle est un lieupublic, anonyme, peuplée de passants, tout comme le métro d’où il téléphone. « Avis » est une compagnie qui se trouve dans toutes les villes et lieux publics pour la location de voitures, donc pour un usage temporaire. La passerelle est un lieu qui métaphorise le passage, le va et vient, le mouvement perpétuel mais aussi le « pas sage ». La gendarmerie, instance que l’on retrouve partout et que ces sujets rencontrent souvent dans leur trajectoire dans la spirale de l’errance et que j’utilise pour l’orienter, peut réactiver sa suspicion d’être dénoncé (« je lui ai coupé la confiance à lui », « il a appelé à la police »).

L’absence de limites spatiales

D’ailleurs Zahiri souligne l’idée d’un espace qui serait sans borne (« la rue, il est très grand » ou encore « il y a beaucoup de place dans la rue… dans le trottoir »). Rien ne lui est accessible mais tout l’espace lui appartient.