4.2.1. Un agrippement particulier au vêtement et au Lieu B

Robert est en général bien habillé et accorde de l'importance aux « habits de marque ». Parfois il veut donner un de ses habits à un membre de l'équipe de la VSM en disant : « tenez, ça vous irait bien ». Il est d'ailleurs très sensible aux tenues vestimentaires de l'équipe, faisant la remarque suivante : « vous auriez pu vous mettre mieux que ça quand même ». Il tente même de faire du « troc » avec l'équipe. « Tiens, ton blouson me plaît, allez on échange, je te donne le mien. C'est du beau ». Cette habitude de collectionner ce qui brille et qui attire l'œil n'est pas sans rappeler un oiseau - la pie - que nous connaissons tous. Il arrive pourtant que Robert s'habille de façon très inadaptée au climat. Plusieurs fois nous le rencontrons dans la gare par temps de grand froid, crâne rasé et habillé en short et en t-shirt. « Je n'ai pas froid » dit-il.

Faut-il «éduquer» Robert ou lui demander de nous faire plaisir ?

Au début, l'équipe le transporte, tout en lui rappelant qu'il doit se rendre par ses propres moyens au foyer. Au bout d'un certain temps, l'ensemble de l'équipe trouve qu'il doit, lui aussi, faire quelques efforts pour s'inscrire dans le cadre. On essaye « d'éduquer », de « dresser » Robert en lui disant de venir par ses propres moyens. Malgré de nombreux efforts pour faire comprendre à Robert notre façon de fonctionner, il continue de nous supplier de l'accompagner presque tous les soirs. « S'il vous plaît, juste ce soir encore. Il est tard maintenant et dehors je me perds dans la nuit ». Pensant qu'il nous manipule, des conditions lui sont signifiées - conditions qui tiennent pourtant compte de ses repères. Robert connaît le local de la Veille Sociale situé à la gare. Pour être transporté, la VSM exige qu'il vienne au local trouver l'équipe pour demander hébergement et transport. Quant aux accueillants du Lieu B, ils sont excédés de le voir arriver en véhicule. De plus dans le Lieu B, il a été demandé à Robert de nombreuses fois de se rendre dès le matin suivant son accueil au service d'orientation pour faire une démarche lui permettant d'être inscrit. Par cette démarche, il acquerrait une carte lui donnant accès à 14 nuitées, avec place réservée au dortoir. Devant l'absence de démarche de Robert et étant donné qu'il ne vient pas par ses propres moyens, les accueillants du Lieu B décident de l'exclure de leur établissement.

Un cadre est nécessaire, cependant il semble que Robert soit incapable de se projeter dans le temps. Il fonctionne au jour le jour.

Son refus d'être « inscrit » malgré sa préférence pour le Lieu B

Une parenthèse ici est utile pour noter que Robert souhaite aller au Lieu B. qui est le foyer le plus redouté de la région. Le bas seuil d'exigence vis à vis du public accueilli fait que ce lieu est perçu comme rassemblant tous les problèmes liés à la promiscuité : racket, poux, maladies contagieuses. Alors que certains fuient ce lieu, Robert, lui, le choisit. C'est à croire que Robert y trouve quelque chose qui correspond à ses besoins car il semble très attaché au lieu, refusant même d'aller ailleurs. Nous devons souligner que dans le Lieu B se trouve un vestiaire. Lorsque Robert arrive dans le Lieu B, il essaie des habits, superposant des couches d'habits les uns par-dessus les autres. Au Lieu B, une fois que la capacité d'accueil est atteinte, quelques lits de camp supplémentaires sont installés dans la salle télévision. Le veilleur de nuit y passe régulièrement. Robert qui demande un hébergement tardivement, bénéficie d'hébergement de ce type, d'ailleurs il demande un lit de camp plutôt que d'aller en dortoir. Il y a également la possibilité d'obtenir des casse-croûte au Lieu B.

Son renvoi du Lieu B vers un autre foyer

Transporté devant la porte du Lieu B, Robert apprend son exclusion du foyer. Il veut avoir des explications et il reçoit les raisons sous forme d'une lettre. L'équipe de la VSM le transporte vers un autre foyer. Dans le véhicule il se met à parler de « déchets », de « sacs à merde », de « poubelles ». Tantôt ces termes sont utilisés pour nous insulter, nous et les autres institutions. Tantôt ces mots décrivent la manière dont il est traité, lui, par l'ensemble des travailleurs sociaux. Ceci a un sens que nous développerons dans la partie consacrée à l'importance du regard et de l'enveloppe institutionnelle.