5.3. Quel « autre » est ce chien ? : Plusieurs fonctions psychiques

Au travers de son lien avec l'animal, l’homme se retrouve en dehors de toute contradiction. Il se reconnaît en quelque sorte dans son chien et peut même lui prêter ses propres sentiments, ses états mentaux et le charger de le comprendre.

Selon Jacques :

« L'animal apporte une présence, de l’amitié sincère. L’amitié pour moi c’est très important et Virgile en fait partie. Il y en a très peu. Je connais énormément de monde, mais d’amis, il y a très peu de gens sur qui tu peux compter ».

A priori, il semble que la relation que Jacques entretient avec son chien se confonde quelque peu avec son amitié pour Virgile, son compagnon de «galère», et lui-même. Si Jacques accorde beaucoup d’importance à sa relation avec son chien, proche de l’importance qu’il accorde à Virgile, cela semble être une relation singulière avec son chien. Sur le plan psychologique on serait tenté de comparer cette relation « régressive » entre l’homme et le chien au modèle mère/enfant. Je pense, en effet, qu’entre Jacques et son chien, il ne s’agit pas d’un substitut de relation homme-homme mais bien une relation « autre ». L’expérience de rupture de Jacques exige sans doute un aménagement particulier de continuité que le chien lui apporte. Nous pouvons nous demander si les ruptures socio-affectives des personnes telles que Jacques sont dues à des zones de fragilité antérieures ou si la situation dans laquelle se trouve Jacques est consécutive à un événement précis (par exemple, le départ de sa femme). Quoi qu’il en soit, Jacques a aménagé sa survie par la rue et peut-être grâce à la rue. Pour lui la «galère» resserre les liens. L’animal auprès de lui joue également un rôle de soutien. Cependant, en effaçant ainsi la distance entre lui-même et son chien ne risque-t-il pas de brouiller les frontières et les places entre l’homme et l’animal ? Ceci est une question légitime dans une optique de séparation possible. Cependant, ici il s’agit bien pour Jacques de sauver sa peau et ici, il s’agit de s’accrocher à la peau de bête pour éviter le pire.

« J’ai pété les plombs, c’était le suicide ou ça. J’ai choisi la rue. J'ai amené l'animal avec moi quand je suis parti. Le chien, jamais je m’en séparerai. Jamais ! ». (Alors que pour sa femme il n'a pas pu faire autrement que subir sa décision).

Si certaines personnes utilisent leur chien comme une « arme », cette fonction agressive ne semble pas représenter l’aspect le plus important pour Jaques. Néanmoins, il ressent le besoin de la souligner, même si c’est en nous présentant son chien sous ses meilleurs aspects :

« Il y a des chiens qui ne sont pas sociables comme le mien. Mais moi, je veux que mon chien soit sociable. Il faut qu’il soit capable de garder aussi. Parce que là il dit rien, mais si vous touchez à une de mes affaires et que vous partez avec, tu vas voir comment il fait, c’est clair ! ».

Il me semble qu'ici il dit : « mon chien ne me quitte pas et il me protège ». Est-ce que ce n'est pas précisément ce qu'il reproche à sa femme ?