5.4. Une peau de bête contre la perte des garants méta sociaux et psychiques

Pour Jacques on peut penser les effets de sa rupture psycho-sociale de la façon suivante. L’intériorisation des soins de la mère et l’adéquation de ces soins avec les besoins constitue les enveloppes psychiques. Je considère que Le Moi-peau se double aussi d’enveloppes ou de relais successifs (enveloppe d’habitation, enveloppe amicale, enveloppe professionnelle, enveloppe sociale). Nous sommes constitués d’enveloppes psychiques mais aussi de ces enveloppes relais (les filiations, les appartenances) qui s’étayent les unes sur les autres, évitant ainsi que la fragilité d’une enveloppe ne fasse s’effondrer tout le système. Pour des sujets comme Jacques, leurs enveloppes sociales, amicales, professionnelles sont fragiles. Si une enveloppe est atteinte, d’autres doivent pouvoir prendre le relais.

R. Kaës (2004) conceptualise cet enchaînement avec la notion de garants métasociaux et de garants métapsychiques qui permet de penser l’articulation de l’enveloppe sociale et l’enveloppe psychique. La situation de crise perturbe l’emboîtement des organisations « méta » dont dépend la continuité du lien et du sens pour le sujet individuel. Ces garants métasociaux forment des grandes structures d’encadrement de la vie sociale et culturelle ainsi que les grandes processus de régulation de la collectivité. La désorganisation de ces garants affecte une seconde enveloppe : celle des garants métapsychiques sur lequel s’étaye la psyché individuelle, structurée en appui sur ses interdits fondamentaux et ses contrats intersubjectifs.

Quand tout l’enchaînement d’enveloppes et de garants métasociaux et métapsychiques craque, est ce que cela arrive conjointement ? Si c’est le cas, qu’en est-il pour un sujet comme Jacques, déjà fragile, construit en faux-self quand, successivement, les appuis s’effondrent et laissent un Moi dénudé? Une fois les derniers remparts écroulés comment le sujet se repère –t-il dans un espace où les repères sont flous. Les personnes autour de lui sont toutes errantes, alcooliques, sans repères, c’est à dire dans le même flou que lui.

Comment arrive-t-on à différencier les choses lorsqu’on est dehors (donc sans abri ou sans espace délimité).

Est-ce que le fait de vivre dehors a désorganisé des limites (enveloppes psychiques) déjà fragiles ou bien est ce que le fait de vivre dehors, sans lieu, donc sans espace délimité pour définir un dedans et un dehors, rend impossible le processus de différenciation ?