1.4. Entre conduite « normalisée » et lieu de revendication : conflit de besoin 

La partie consacrée à une approche théâtrale montre que l'espace urbain est un lieu de rencontre avec la population de la cité. Le citoyen ou le passant interagit avec le S.E.U., tantôt comme spectateur, tantôt comme co-acteur. L'exemple des punks met en évidence l'inévitable interaction entre les passants, ces jeunes et leurs «objets» ; ce qui confère à cette « clinique » une inclusion dans la citoyenneté.

Pour illustrer ce rapport inclus/exclus, reprenons l'exemple des punks. Comme nous l'avons montré précédemment, leur attitude corporelle passe, avec peu de transition, entre deux positions extrêmes : une position d'effondrement et à l'opposé, une position d'affrontement. Ces deux attitudes extrêmes traduisent le passage entre deux positions psychiques : de la passivité à l’agressivité. Ces positions ont des effets sur leur contact avec les passants qui sont, à leur tour, influencés. Les passants peuvent adopter, tout comme les punks, une position corporelle d'éloignement, (ils peuvent faire le détour) ou de rapprochement (en s'affrontant). La réaction des passants et leur position (spatiale) d'éloignement ou de rapprochement correspond à des positions psychiques qui sont, elles aussi, extrêmes et peuvent se traduire en termes de repli (fuir, abandonner, s'absenter, s’effacer) ou de confrontation (s'affirmer, se défendre).

Lorsque la tension tombe, les punks semblent s'autostimuler en érotisant l'excitation et le conflit pour se prémunir contre l'ennui. L'affrontement semble avoir une fonction d'anti- effondrement. Ainsi, une stratégie inconsciente pour créer une tension se met en place. Pour cela, les punks se servent «d'objets» qui sont en quelque sorte un prolongement d'eux-mêmes. Dans ce registre, nous pouvons évoquer la fonction des chiens. L'obtention de toxiques et les pratiques qui s'y rattachent, tel que le deal, peuvent également représenter un moyen de se sentir exister ou de repousser ses propres limites. Il semblerait que l'espace public soit un lieu pour exhiber ses revendications. Ce qui est revendiqué c'est l'individualité ou la spécificité groupale : c'est le droit à la différence, à l'originalité, à la liberté.

Si les punks utilisent la rue pour se montrer et pour exister, il est à noter que les habitants prônent, de leur côté, une «conduite normalisée» de la rue. Ce qui justifie leur demande est une citoyenneté d'apparence et collective pour tous. Ils revendiquent une utilisation de la rue qui préserve la respectabilité, le commerce, la propreté, la sécurité.

Dans les exemples donnés, le passage à l'acte des punks dans la rue est essentiellement visuel et verbal. Cependant, ils «obligent» la société à adopter à leur égard une position de tolérance, de contention et de tempérance afin d’éviter le conflit ou l'intervention des forces de l'ordre. La société, l'institution, une instance légale ou de soin est parfois obligée de les prendre en main. En effet, la relation entre les habitants et ce type de S.E.U. trouve un point d'équilibre fragile.