2.4. Traitement des traces pour les faire figurer

Le propre de l’expérience humaine c’est la possibilité d’en être marqué, de conserver ces traces partiellement du moins dans la psyché, de retrouver les traces de ces expériences par le souvenir, la mémoire, les réminiscences, d’apprendre par l’expérience et ainsi de pouvoir également partager et communiquer l’expérience avec autrui. Ceci est le cas des sujets qui ont la capacité à symboliser leur expérience. L’organisation psychique d’autres sujets est débordée par l’impact des expériences auxquelles leur psychisme est précocement soumis, endommageant ainsi leur capacité symboligène. Pour ces sujets, les traces de l’expérience sont non-contenues, non-représentées, non-symbolisées. J’ai fait référence à leurs scènes et à ce qu’ils agissent dans l’espace public comme ayant un sens de figuration. Même si leurs expériences de trauma, de ruptures ne sont pas intégrables dans la psyché, elles ont laissé pourtant des traces. L’accès à ces traces ou leur réactivation est potentiellement traumatogène et c’est pourquoi ces traces sont rendues inaccessibles et sont clivées de l’expérience consciente du sujet.

Je présente ici plusieurs explications concernant le mode de traitement de ces traces :

Ces traces peuvent revenir comme un retour du clivé sous forme pré - hallucinatoire. Tel peut être, comme nous l’avons constaté le cas pour Nordine (II, ch.2 : 6) et comme je l’évoquerai pour Sabrina (III : ch. 1 : 6.9). Ces situations de rencontre avec nous autour de la photographie risquent de mobiliser la menace d’un retour hallucinatoire des traces perdues ou clivées surtout dans la mesure où le regard est non-médiatisé. Cette explication va dans le sens de R. Roussillon (2003) concernant la mémoire perceptive dans Historicité et mémoire subjective à propos de la trace mnésique perceptive et le sens de l’expérience pulsionalisée.

Pour d’autres sujets, l’expérience est projetée sous forme « d’images en dépôt » par un processus qui se sert de dépôts et de l’abject et qui laisse une trace chez l’autre. Ces traces de ce qui est non-contenu chez le SEU sont récupérées par un « système de déposition en images » qui utilise autrui pour fabriquer des images. Ce qui est à noter c’est la nécessité de la présence d’un autre « chez » lequel l’image, par le biais de l’abject ou de l’obscène, est déposée.