2.4.1. Une stratégie pour marquer / toucher en image

Je m’inspire des plusieurs auteurs ont traité différents aspects de la trace. D. Anzieu a travaillé sur la surface d’inscription mais également sur l’interface avec la théorisation sur le Moi-peau et sur la peau psychique. L’article de R. Roussillon (ibid) développe précisement les différentes formes ainsi que le contenu de la trace et de la mémoire.

Ce qui est central dans la problématique que je développe concernant ces personnes c’est la question de la trace en rapport avec la confusion qu’ils entretiennent entre des espaces dedans et dehors . Précisément, ces sujets laissent des traces au travers d’un système de déposition qui se sert d’images. Je m’intéresse à la question du contenu de ce qui fait trace, mais également de ce qui constitue un contenant pour leurs objets. Si nous regardons ce qui constitue leurs objets, la nature des lieux qu’ils occupent ainsi que la manière dont ils traitent ces lieux, le choix de la « matière » qui fait trace afin de toucher l’autre - ces divers indices nous amènent à considérer que ces objets, lieux, traces, inscriptions et modes de traitement sont en correspondance avec leur organisation psychique

Ce qui constitue une difficulté majeure pour ces sujets est le fait que l’environnement ne tolère pas d’être touché ainsi et ne fournit pas le lieu susceptible d’accueillir ce qui peut s’inscrire de façon à faire trace.

Pourtant je propose de considérer ce système de déposition en images (qui se sert aussi de « matière », d’objets, de traces, de dépôts) comme une forme de communication de psyché à psyché. Il existe d’autres formes de dépôts et notamment le « transfert par dépôt » de C. Vacheret (2001, 2002) qui constitue ces éléments en représentants psychiques de la pulsion par leur investissement. Mon travail se centre particulièrement sur le lien entre l’image en dépôt qui fait trace et comment cette trace peut être reprise.

Sur le plan topique on peut également envisager qu’il existe un déplacement de la scène de figuration. Les scènes internes des SEU ne sont pas contenues dans la sphère interne psychique mais sont agies dans l’espace public. Ceci contraint l’autre à fabriquer, à leur égard et à leur place, des images. Les images sont construites en appui sur la dimension sensorielle mobilisée chez le dépositaire. Ces images sensorielles déposées chez autrui reflètent ou donnent en retour au SEU une image externe ou une image en surface qui le représente.

La société a tendance à disposer de ce qui relève du dépôt comme l’on traite le déchet et il serait malaisé de faire entendre, au contraire, que le recours au dépôt peut se situer dans un registre subjectivant. Dans la ville, le service d’hygiène prévoit que les déchets soient regroupés, triés, traités, décontaminés, en fonction de la catégorie du déchet.

Je ferai remarquer que la représentation collective actualise, dans la prise en charge du soin somatique de ces personnes, cette pensée du déchet à leur égard. Malgré beaucoup d’initiatives pour humaniser la prise en charge des SEU, les termes les concernant conservent des restes d’une représentation sociale ou des « images en dépôts », elles aussi, de type « déchetterie ». A titre d’exemple, les sujets sont regroupés dans des centres d’hébergement d’urgence où selon le degré de « dégringolade » sur l’échelle sociale, un tri est effectué. Les plus dégradés vont à la « cave » pour être « décrassés », « déparasités », à moins qu’ils ne soient « contagieux ». Les plus chanceux, et évolués, ceux qui « tiennent la route » se voient attribuer un contenant sous forme d’un « box ». Ces propos, que je développerai plus loin, rejoignent la réflexion de P. Declerck (2001).