1.4. Le non - contenu comme autoreprésentation du non - lié de leur psychisme

Ce qui est à souligner c’est que ces éléments psychiques sont hors circuit (ou hors du contenant psychique). Ils sont non-contenus car ils ont été laissés pour compte. Ils sont donc déposés et laissés, tout comme les sujets eux-mêmes, à une époque précoce de leur existence, ont été lâchés, laissés, ou déposés. Sur la scène actuelle, ce qui est déposé, (sous diverses formes) c’est une auto-représentation de leur psyché. Ils montrent ainsi, sous plusieurs modes, leur état psychique :

Le traumatisme précoce affecte les processus de symbolisation. Ces éléments ne peuvent donc pas figurer, être représentés, demeurer dans le psychisme. L’apparition de ces éléments dans l’espace public constitue cependant une tentative du sujet à établir une liaison avec autrui, il constitue donc un sens relationnel. Le sujet essaierait, avec ces éléments, (traces, dépôts, inscription et actes abjects) de pallier à cette carence de l’activité représentative en donnant à voir des images à ceux qui peuvent les voir.

Cette idée rejoint celle de la carence à retenir liée au fait que ce qui pourrait être retenu ou qui serait en mesure de faire trace interne représenteraitune menace traumatique pour le sujet. Nous le rapprocherons de l’idée de la crainte d’effondrement de Winnicott. Cette crainte est une angoisse liée à la perception de l’espace et plus précisément de la manière dont ils ne sont pas contenus dans l’espace de l’autre.

Angoisse en premier lieu car l’expérience du lâchage, c’est du déjà vu.

Angoisse en deuxième lieu car face à la perception de l’espace, le sujet manque de contenant psychique, et il le « sait ». Ceci est inscrit dans les traces mnésiques. En effet un sujet ne peut pas craindre quelque chose dont il n’a jamais fait l’expérience. Pour pouvoir être lâché, cela suppose qu’au préalable, le sujet ait été tenu, du moins durant un certain temps. Cela supposerait également que le sujet ait pu conserver une représentation de l'expérience ou qu'il ait pu symboliser, à sa manière, l'expérience. Je pense que ce qui n'a pas pu être retenu du sujet par l'environnement précoce et le manque du « holding » du sujet lui -même, est répété par le sujet au dehors. En revanche, ce que le sujet a retenu, c’est que le fait de ne pas retenir, ça marque l’environnement et ça laisse des traces sur autrui, même s’ils restent à distance.

Je parlerai donc d’une dimension de «l'incontenu» qui pourrait qualifier la matière et le contenu de ce qu'ils donnent à voir. Ce contenu devrait rester dedans et rester «contenu» dans la sphère de l'intime. Une autre dimension qui relève de cette même problématique sur le versant temporel pourrait être qualifiée de «l'incontinu». Le terme français qui correspond à ce phénomène serait «discontinu» ou rupture dans la continuité. Les démarches, le déroulement des choses ne s'inscrivent pas dans le temps, dans une durée et dans une séquence qui permettent l'inscription de ces sujets dans un lieu, dans un espace. Le temps ne les retient pas et selon l’expression : « ils ne sont jamais au bon moment au bon endroit ». Ainsi dans le fonctionnement psychique de ces personnes, ce qui n'est pas contenu et qui n'est pas en continuité relève de « l'incontinu » sur le versant temporel et de « l'incontenu » sur le versant du contenu. Ces termes résonnent avec celui «d'incontinence ». Suite à cette tentative de compréhension de ce qui sous tend ce à quoi ces sujets nous confrontent, je fais référence à ces deux dimensions de leur problématique psychique en termes de « carence à retenir ».