2.5. Formaliser le lieu de déposition au risque de dénaturer le dépôt ?

La conception des dispositifs d’accueil pour ces sujets, doivent-ils envisager d’avance la question du dépôt et matérialiser des lieux en fonction de cette possibilité de l’accueil du dépôt ? L’exemple de Dan montre qu’il faisait dans un lieu donné, le Lieu A, ce qu'il ne semblait pas pouvoir faire ailleurs. Dans le Lieu A nous ne faisions pas «entrepôt» pour des dépôts et nous n’avons pas formalisé un lieu pour les éventuels dépôts. Cependant Dan a créé ou utilisé comme tel ce lieu. A ce titre, il serait intéressant de discuter le bien fondé dans les pratiques de prévoir et d'anticiper la création d'un lieu «entrepôt ». J'ai tendance à penser que Dan aimait bien être différent des autres et qu'il a lui-même créé cet usage parce qu'en cela, il s’estimait unique, à ses yeux et aux nôtres. Sans doute qu'il y avait aussi un aspect de plaisir transgressif, ou d’érotisation « gérable » de la transgression pris dans le fait de «faire ce que les autres ne font pas et qui n'est pas prévu, mais qui est tout de même toléré par les accueillants à titre exceptionnel, du moment que tout le monde ne s'y met pas».

Il semble important que ces sujets puissent conserver l’illusion d’avoir créé ce qu’ils trouvent, tel que le propose la perspective trouvé- créé - détruit33 de D.W. Winnicott (1947, 1951, 1962a, 1971), un thème repris par R. Roussillon. Le fait que, dans le dispositif, nous anticipions et prévoyions leur lieu de dépôt, risque de leur enlever ce qui précisément dans le dépôt est «dégradant », mais également vivant – ce qui viendrait à enlever la nature même de ce qui peut rendre le recours au dépôt dynamique.

Notes
33.

Winnicott avec sa conception de l’objet trouvé-créé et de la transitionnalité nous aide à la compréhension du caractère de l’investissement paradoxal de l’objet. Ceci rejoint P. Aulagnier (1975) avec l’idée de l’auto engendrement. L’objet peut être investi à condition que le bébé puisse avoir l’illusion de l’avoir crée lui-même.