3.1. Traces externes utilisées comme traces mnésiques

Le volet clinique a montré comment ces sujets ont recours à ce qui laisse trace, à ce qui marque et à ce qui fait dépôt sur leur environnement. Pour ces sujets, ce qui laisse trace ou qui marque peut servir de l iaison externe pour établir une liaison interne.

Nos rencontres avec ces sujets ont lieu souvent par l’intermédiaire des institutions ou des dispositifs d’accueil. Ce sont leurs besoins qui sont souvent à l’origine de notre rencontre et qui sont mis en avant. Compte tenu du caractère vital de leurs besoins et de leurs demandes, nous conservons dans notre mémoire la trace de notre rencontre avec eux. Par ailleurs, leur aspect physique et leurs comportements touchent notre sensibilité. Notre sens des usages et de la vie en société en est même bousculé. De plus, ils laissent souvent en dépôt, des objets, des salissures et des restes de leur passage. Autant de traces donc qui nous incitent à ne pas les oublier.

La rencontre entre les SEU et autrui se fait sur ce qui fait trace externe. Je désigne comme « trace » ou comme dépôt (cf. I, ch. 2 :1) des objets, des salissures, des tags, des scarifications de leur corps mais également des actes et des comportements qui marquent l’autre de façon sensorielle et perceptive. L’autre est marqué par la trace externe. La trace externe transite par la sensorialité et par la perception d’autrui et fait trace interne chez l’autre.

Les traces externes donnent un « background », un arrière fond aux traces mnésiques internes qui ne sont pas accessibles, car ces traces internes sont clivées de l’expérience(cf. III, ch. 1 :1 sur les effets du traumatisme primaire).

Par analogie avec les traces mnésiques qui peuvent être ré investies, les traces externes (qui marquent autrui) peuvent être réactivées dans la rencontre.

Dans le développement et dans le fonctionnement « normal », ce qui est visé est l’intériorisation, c'est-à-dire, ce qui concerne l’instauration, la fiabilité, la qualité de l’objet interne. Auprès des SEU il semble que le fonctionnement est autre et que nous avons à comprendre quelque chose de ce qui, pour eux, tente, via ces traces, de s’établir au dehors. Cet aspect de leur fonctionnement psychique est d’ailleurs à l’image de la confusion qui existe dans l’investissement des espaces interne / externe en ce qui concerne leur incapacité d’habiter un lieu de façon continue.