3.3. Lien entre identification projective (M Klein), l’interface contenant/contenu (Bion) et l’espace potentiel (Winnicott)

Les SEU ont besoin de l’autre pour leur renvoyer quelque chose afin de se retrouver. Parfois ce quelque chose est presque rien, mais ceci est essentiel. Dans le contre – transfert ces personnes nous touchent. C’est grâce à leur façon de faire trace externe et qui marque autrui qu’ils « fabriquent » un contenu au sens de Bion (1962b) mais aussi un contenant (lieu chez autrui) L’autre fournit ainsi un contenant qui recueille ce contenu et qui peut de cette façon leur retourner quelque chose.

Afin d’aborder la dimension relationnelle avec ces personnes, je propose de faire référence aux travaux de T. Ogden (1986) et à sa façon de relier plusieurs concepts. Il envisage le concept d’identification projective de Kleincomme base pour une conception de la création d’une entité mère - enfant ou l’ensemble mère – enfant en tant qu’unité psychologique, comme Bion l’a fait dans sa conception du contenant/contenu, et comme Winnicott l’a fait dans sa conception de la préoccupation primaire maternelle (1956b), le stade d’illusion (1951) et l’espace potentiel (1971).

Les travaux de L. Brunet (2000), dans une perspective proche de celle de T.Ogden, proposent le couple « identification-projective et fonction contenante » comme fantasme nécessaire pour établir un transfert « efficient » qui pourrait produire une relation tranféro-contre-transférentielle utilisable par les deux partenaires dans la relation.

L’identification projective est un des systèmes défensifs utilisés par les personnalités anti-sociales. B. Duez (2000, p.108) distingue le transfert topique, rencontré également souvent dans cette clinique, de l’identification projective et de la projection. Dans l’identification le sujet peut attribuer à l’autre un attribut de sa psyché, alors que dans le transfert topique, le sujet s’appuie sur une manifestation de la psyché de l’autre afin de transférer une motion pulsionnelle ou un mouvement de désir sur cet autre. Par la suite, en fonction de la réponse qui démarque ou qui est confusante, le transfert topique pourra se transformer en identification projective ou en projection. En effet, il me semble que les différentes formes de transfert archaïque que nous avons vues à l’œuvre dans cette clinique, nous renseignent sur ce qui, chez ces sujets, ne tient pas compte de l’autre ou du type de l’objet. Je me suis appuyée sur ces différentes formes de transfert pour dégager la notion de « système de déposition en images ».Dans ces configurations archaïques, le sujet transfère sans s’occuper de l’autre. Ces différentes formes de transfert sont proches du mécanisme de défense de l’identification projection. J’introduis ici le lien entre l’identification projective et la capacité réceptive de l’objet, car il me semble qu’en tant que défense l’identification projective nous permet d’envisager ce qui est du coté de l’objet, c'est-à-dire, ce qui relève de notre positionnement de clinicien dans le contre-transfert. Précisément, l’identification projective, grâce à sa dimension d’identification, identifie un espace que le sujet repère chez l’autre – espace qui permet peut être une dialectique entre sujet et objet.

L’identification a d’abord été étudiée en fonction de la relation du nourrisson à sa mère. Par la suite de nombreux auteurs l’ont étudiée dans le contexte des relations entre patient et thérapeute. F. Bégoin-Guinard (1989) caractérise la relation thérapeutique de « contenant/contenu », comme le font les travaux de Bion. Dans cette relation, l’analyste doit utiliser ses capacités d’identification projective normale pour contenir les identifications projectives intrusives et pathologiques de son patient. Cette idée de reprise du contenu projeté pour le rendre utilisable par le patient pour une activité symbolisante est proche des phénomènes observés par Winnicott.

En interrogeant la perspective de M. Klein nous pourrions nous demander comment l’enfant, tel que M. Klein l’envisage, devient- il capable d’apprendre à partir de son expérience ? Comment l’enfant, sort-il de l’univers d’enfermement de ses préconceptions ? Une forme de réponse donnée par des kleiniens est que ceci s’accomplit par la maturation biologique de l’enfant, les bonnes expériences adoucissent la conviction de l’enfant en ce qui concerne les dangers dans le monde (H. Segal, 1964, p. 37).

La pensée de M. Klein n’explique pas ce qui amène l’enfant à faire confiance aux bonnes expériences au lieu de s’en méfier. Elle n’explique pas suffisamment non plus la capacité de l’enfant à altérer ses relations aux mauvais objets autrement que par une dépendance aux bons objets idéalisés pour le protéger.