4.2. Institution et fantasmatique

4.2.1. L'institution : le biberon - magique

L'institution est le lieu où émergent les demandes de ces personnes et leurs réactions aux réponses ou aux refus. En ce sens, l'institution sert de révélateur de leur fonctionnement psychique, mais aussi de leur vécu. Le lien envieux à l’objet développé par C. Guerin (l’objet de la relation) trouve également ses fondements dans la rivalité fraternelle. Ces enjeux sont présents au cours des échanges entre les errants et l'aide qui leur est fournie en biens matériels. Nous allons illustrer ce propos en nous appuyant sur l’image d'un « biberon-jouet ». La petite fille qui joue à être « maman » et qui nourrit son bébé (poupée) à l'aide de ce biberon magique représente ce modèle de fonctionnement. Mis en position favorable, le biberon fait bel et bien couler le lait en direction de la bouche de la poupée. Au plan de la perception visuelle, l'enfant le constate. Cependant, le lait ne parvient pas à la poupée. Effectivement, le niveau de lait descend dans ce biberon magique, mais disparaît au cours de la distribution, laissant l’enfant qui joue ce rôle de mère, impuissant. Tout enfant «curieux» cherche à comprendre les enjeux, quitte à démonter le biberon. Supposons que les institutions représentent la mère. Ce fantasme, de mère au sein vide, déplaçant à son gré et selon son humeur, «le bon lait », est prévalent dans le discours de certains marginaux envers les services sociaux. Ces instances sociales, telles « les grands » sont imaginées dotées d’allocations, de pouvoir décisionnel à l’égard d'eux, «les petits ». Ces institutions, porteuses d'image de «parents», disposeraient, de façon démesurée, du devenir des démunis. Nous ne sommes pas loin de ce que décrit B. Grunberger (1971).

Une autre configuration envisageable serait celle de «petits» face à un «trop grand». B. Duez (1997a) décrit des situations de dissociations des imagos parentales. Dans un dilemme de ce type, un double destructeur menace l’existence de l'enfant. Là où l’un des parents disparaît derrière la puissance démesurée de l’autre parent, cela équivaut pour l'enfant à l’absence de protection, à son abandon et à sa disparition.