5.1. Dans quel « lieu » s’inscrit le sujet en errance ?

Au travers des récits et des expériences cliniques, nous avons constaté combien la question du lieu et celle de l’inscription du sujet présentent une difficulté dans l’approche des SEU. En écoutant ces sujets, il nous arrive de nous demander en effet, où se trouve le sujet ? Si le sujet ne s’inscrit pas dans son discours, où est- il ? S’il n’est pas inscrit, il n’est pas nommé et de ce fait, il n’est donc pas sujet : ce qui voudrait dire qu’il n’aurait pas d’identité et qu’il n’existe pas.

En poursuivant cette idée d’inscription, si le sujet n’a pas de lieu d’inscription, où est- il ?

  • Est-il ailleurs (errant au niveau de sa localisation topique) ?
  • Est-il dans le délire (la psychose) ?
  • Est - il dans la construction imaginaire (le mythe, le héros) ?

Le sentiment de continuité d’exister, que nous développons en appui sur Winnicott, permet de constater comment la question du lieu et celle de l’identité des SEU sont liées. Ces gens vivent une impression de rupture dans leur sentiment de continuité d’exister. Leur identité est à ce titre mise en péril à tel point que cela se répercute sur le réel, sur leur lieu d’inscription, et sur l’habitat. C’est ce qui s’exprime par leur recherche compulsive du lieu (dans l’espace public) et paradoxalement, par la perte du lieu, qui est souvent matérialisé par le logement, dont ils témoignent. Dans cette clinique, il ne s’agit pas uniquement de la perte du logement mais cela concerne bien plus, un lieu où exister. La cas de Zahiri, (II, ch.2 :2) a particulièrement souligné le paradoxe « exister par la perte ». Beaucoup de ces sujetsn’ont pas fait l’expérience du « holding » dont Winnicott parle. La seule chose sur laquelle ils semblent avoir une prise, c’est la capacité à perdre. Si la perte figure au premier plan de leur problématique, en amont de cet état nous pourrions entrevoir dans leur fonctionnement une défaillance de capacité d’appropriation. En effet, pour acquérir cette capacité d’appropriation il aurait fallu que ces sujets aient le sentiment d’appartenir, que l’on tienne à eux. Il aurait fallu d’abord qu’ils sentent qu’ils comptent pour autrui avant de pouvoir faire l’expérience de se sentir réellement tenus et ceci dans une continuité suffisante.Le « holding » de Winnicott est l’expérience sensorielle de se sentir tenu dans un corps à corps pour pouvoir se sentir exister. Faire l’expérience d’être tenu ou l’expérience du « holding » est la condition nécessaire pour de se sentir exister avant de pouvoir, soi – même, tenir quelque part ou de pouvoir « se tenir correctement » dans une posture sociale adaptée.

Précisément, ce qui pose problème dans l’accompagnement, c’est ce qui chez eux est non - contenu. Ceci nous confronte en tant que professionnel, à ce l’on va pouvoir leur offrir en terme de fiabilité. On entend souvent dire de ces personnes qu’elles ne « rentrent pas dans le cadre » et qu’elles ne « tiennent pas le cadre ».C’est là, en tant que clinicien, que se pose toute la question de son propre cadre interne.