5.6. Le lieu rapproché aux fonctions du cadre

Le sujet vit bien souvent des situations de perte répétées. Ceci soulève la question de la permanence de l’objet chez eux. La clinique nous montre les dépôts que laissent ces personnes, leur odeur… et qu’ils font sentir et ressentir à leur environnement. Pourtant, il semblerait que la répétition de ces choses pourrait jouer un rôle positif dans leur psychisme dans la mesure où cela fournit pour les SEU un site d’inscription et que cela tienne lieu d’une trace.

Une répétition de perte pour se retrouver

En effet, ces traces peuvent être un moyen pour qu’ils se retrouvent, eux, inscrits quelque part. Ces traces peuvent aussi être réinvesties pour fournir un lieu de retrouvailles avec ce qui leur est suffisamment familier pour pouvoir l’investir.

Freud parle peu de cadre mais nous pouvons faire le lien avec la question du lieu car au même titre que tout objet est retrouvailles avec un objet antérieur, tout espace ou lieu est retrouvailles avec un espace de rencontre antérieur. On ne crée et ne construit rien de vraiment nouveau, nous dit Freud. Si nous appliquons cette idée à ce qui contribue à construire le lieu, on peut penser que c’est une expérience avec quelque chose de déjà connu ou de familier. Dans ce sens il s’agit de retrouvailles.

Pour mieux approcher la question du lieu, nous allons tenter de comprendre ce que le cadre rend possible. Les fonctions du cadre et les fonctions du lieu, sans être superposables, possèdent en commun certaines caractéristiques.

Rappel théorique de la fonction cadre

Les quatre fonctions cadre proposées par R. Kaës (1993b, Le groupe et le sujet du groupe) sont : la fonction de limitation, la fonction de contenance, la fonction transitionnelle, et la fonction symbolique. Les psychopathologies de l’obscénalité sollicitent le cadre dans le lien entre ces différentes fonctions. La fonction symbolique permet de faire ce lien. Elle assure la consistance du cadre. Si, avec des personnalités anti-sociales, la fonction de limitation est trop rigide, le cadre leur renvoie qu’ils sont exclus, donc bannis et étrangers. Si la fonction de contenance est trop opérante, le sujet risque de se sentir enfermé, trop enveloppé et cela actualiserait un retournement vers l’intérieur du cadre et contre tout éventuel intrus. Si la fonction de transitionnalité est trop prégnante, c’est l’ambiguïté qui déconflictualise qui devra gérer la destructivité du sujet. La fonction symbolique lie ces différentes fonctions du cadre et permet de transformer les enjeux du désir de mort qui s’y actualise lorsqu’une des fonctions et trop prévalente.

Le cadre métabolise les dépôts

Pour J. Bleger (1966) in Kaës (1979b) le cadre est un élément immuable dont dépendent la formation, l’existence et la différenciation (du moi, de l’objet, de l’image du corps, de l’esprit, etc). Le cadre est une présence permanente sans laquelle le Moi ne peut se constituer ni se développer et constitue un support principal du Moi. Il est qualifié de non – processus. Pourtant ses invariants fournissent des bornes et forment un lieu où un processus existe. Une partie reste constante pour permettre que quelque chose change. Il est silencieux, c’est à dire qu’il ne se fait pas entendre tant qu’il fonctionne correctement. La situation de crise, de rupture ou de menace révèle l’existence du cadre.