5.7. Sur la cohabitation entre la capacité réceptive de l’objet et le cadre

Ces deux fonctions qui sont différentes mais complémentaires, comment peuvent-elles s’articuler dans un dispositif ? Comment l’accompagnement et le lieu matérialisent-t-ils ces « qualités » de l’objet ou au contraire comment l’accompagnement peut-il réactiver les traces d’un environnement défaillant ?

Quelques références aux exemples déjà donnés permet d’articuler la notion du cadre à ce qui fait « lieu » pour ces sujets.

Dans les dispositifs d’accueil, la possibilité de participer de loin sans être sollicité dans un lieu ou de se situer dans le périmètre d’un groupe permet aux sujets de s’appuyer sur le fond scénique (regarder de loin) là où se gèrent des petites quantités d’énergie. La présence tranquille des accompagnants peut-être envisagée comme un fondement du processus narcissique au sens où J. Bleger dit que le cadre est un non processus, un processus immobile. Ce fond silencieux, qui est du côté de la scène des contenants, peut-être rapproché de la fonction pare-excitation des dispositifs qui, par les faibles quantités d’énergie en jeu, permettent d’y déposer les vécus les plus archaïques et les plus intrusifs sans que ceux-ci deviennent menaçants.

Johan, avait besoin de pouvoir entrer dans le Lieu A, mais qu’on lui laisse son espace. Personnage « étrange » aux yeux de tous, Johan ne quittait jamais la « carapace» qu’il cachait sous son manteau long, en guise de gilet pare-balles. Ses habits, les même apparemment depuis des années, formaient ainsi une couche luisante. La mairie, avertie par des particuliers qui craignaient qu’il se gèle sur un banc dans le port où il passait ses nuits en plein hiver, nous demande de lui proposer un hébergement d’urgence. Johan s’exprimait peu et avec un accent allemand mais il nous a fait comprendre qu’il tenait en horreur tout lieu d’hébergement et qu’il avait été médecin. Il venait chaque jour au Lieu A se servir lui-même en café en le versant dans une série de tasses différentes qu’il inspectait longuement auparavant. Il allait ensuite s’asseoir dans un coin. Il a cessé de venir le jour où nous l’avons servi. Il n’a pas refusé le café tendu, mais il l’a versé discrètement dans le caniveau dehors. Sans doute l’avons-nous « pollué » par notre toucher et il l’a assimilé à l’odeur du « cadavre » qu’il attribuait à pratiquement toutes denrées alimentaires, à l’exception de celles préemballées.

Dans la vignettesur le dispositif comme « lieu à créer ou déchetterie », les effets dus à l’absence du tiers et à un cadre souvent flou ont été montrés. Il arrive que le contenant, en situation de crise, devienne le contenu. Je rappelle ce phénomène de réversion du contenant au contenu qui a lieu dans l’espace du camion lors d’un moment de crise (II, ch.2 :1 « aux confins de l’espace professionnel »). R. Kaës a mis en évidence la «fonction conteneur » qui se caractérise par la capacité transformatrice du groupe. Une pluralité d’adresses et d’objets culturels ayant une résonance sensorielle a probablement introduit une diffraction. La diffraction a fait que des éléments présents dans la situation deviennent contenant. Cela a permis tout de même une continuité dans le transport et a évité que l’atmosphère ne s’explose avant l’arrivée à bon port.