1.2 La récupération de la rente.

Dés l’indépendance, l’Algérie affiche sa volonté de récupérer le secteur des hydrocarbures telle que proclamée dansles différentes chartes. Cette opération s’inscrit en droite ligne de la politique globale visant la récupération de toutes les ressources naturelles du sol et du sous sol. Mais les hydrocarbures et plus précisément le pétrole, de par ses multiples propriétés (source d’énergie, matière première pour les autres industries…), constituent des ressource pas comme les autres : elles sont sans substitut, ce qui leur confèrent le statut de produits stratégiques.

Pour ces raisons, c’est dans ce domaine que le capital étranger est le moins disposé à abandonner ses intérêts et l’Etat algérien a éprouvé le plus de difficultés à mettre en œuvre sa politique. Déjà, lors des négociations des accords d’Evian du 18 mars 1962, des dispositions relatives au pétrole et au gaz ont fait l’objet d’un désaccord qui a failli remettre en cause le cessez-le-feu. Les deux parties ont fini par se mettre d’accord sur l’essentiel mais certaines dispositions continuent de préserver les intérêts des compagnies françaises privant par la même occasion l’Etat algérien des principaux leviers de contrôle de ce secteur.

Face à cette situation, l’Etat algérien a mis en place un ensemble de moyens de nature à lui permettre de récupérer progressivement ce secteur. Ces moyens, consistent en la création de la Société Nationale de Transport et de Commercialisation (SONATRACH) en décembre 1963 et en la réalisation du troisième oléoduc Haoud el Hamra - Arzew qui vont doter l’Algérie d’atouts majeurs pour renégocier les anciennes clauses contenues dans les accords d’Evian. Un nouvel accord est donc signé le 29 juillet 1965 portant création de l’ASCOOP (association coopérative), dans laquelle la SONATRACH détient 50% des parts.

Au terme de ces accords, l’Algérie va participer à tous les stades de la recherche, de l’exploitation des champs, de la transformation et de la distribution des hydrocarbures. L’Etat algérien va maintenir ainsi sa politique d’extension du contrôle sur le domaine des hydrocarbures jusqu’en 1971, non sans grandes difficultés et non sans pression exercée par le capital étranger. Cette extension se fera en plusieurs étapes dont les principales sont :

  • En février- août 1967, rachat et nationalisation des parts des sociétés pétrolières anglo-américaines (B.P, ESSO, MOBIL). L’ordonnance du 30 août donne à SONATRACH l’exclusivité de la distribution ;
  • Le 13 Mai 1968, contrôle de l’Etat sur tout le réseau de distribution, stockage et transport des hydrocarbures ;
  • Le 19 Avril 1969, rachat des actifs de la société Sinclair Oil Corporation.
  • En juillet de la même année, entrée de l’Algérie à l’OPEP en tant que dixième pays producteur. Forte de l’appui de cette organisation, elle entame la révision des accords de 1965 ;
  • En juin 1970, nationalisation des filiales des sociétés Shell (anglo-néerlandaise), Philips-Petroleum et Drilling Specialities (américaines), Sofragel (allemande) et Amil (italienne) ;
  • Le 24 février 1971, c’est la fin du processus des nationalisations : nationalisation des transports terrestres (oléoducs et gazoducs) et nationalisation des gisements de gaz naturel ;
  • Le 12 avril 1971 abolition définitive du régime des concessions en Algérie. La SONATRACH est seule attributaire des titres miniers. ;

Le secteur des hydrocarbures enregistre une avancée spectaculaire tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le tableau suivant montre l’évolution du contrôle de l’Etat algérien  sur la production pétrolière :

Tableau n°1 : Evolution de la part de la SONATRACH dans la production de pétrole en Algérie. Unité : millions de tonnes

Source : M.Raffinot et P.Jaquemot (1977, p. 104)

De simple entreprise orientée vers l’exportation et n’ayant hérité que d’une infrastructure vétuste (l’âge moyen des différentes infrastructures était de 15 ans minimum) à l’indépendance, la SONATRACH va devenir la première société nationale par son poids économique et financier en absorbant près de 50% des investissements industriels, générant près de 90% de recettes en devises et 60% de recettes fiscales, et en participant à raison de 20% à la création de la PIB.

Cette consolidation de la position de la SONATRACH et par la même occasion celle de l’Etat dans l’économie nationale, va non seulement permettre à ce dernier d’asseoir sa souveraineté nationale mais également d’acquérir une grande crédibilité sur la scène internationale de manière générale et sur le marché international de capitaux de manière particulière.