1.3 La marginalisation du secteur privé.

L’extension du secteur public s’est faite, d’une part, par le biais des nationalisations et des textes juridiques régissant ce secteur et d’autre part, par certaines mesures restrictives prises à l’encontre du secteur privé national ou étranger en matière de prix, de salaires, de fiscalité ou de commerce extérieur et tendant à limiter son champ d’intervention. La marginalisation du secteur privé a été justifiée officiellement par la poursuite de l’objectif de rupture avec le capital  international.

Les premiers textes législatifs régissant pratiquement le secteur privé trouvent leur expression juridique dans la loi 63-277 du 27 juillet 1963 portant code des investissements. Cette loi accorde des garanties et des avantages indéniables au capital étranger dont le retrait de la sphère économique représentait une menace à l’équilibre déjà fort précaire de l’économie. Pour le capital privé national, presque insignifiant à cette période, ces avantages ne lui sont accordés que dans le cadre des sociétés mixtes.

C’est à la faveur de la mise en œuvre de la stratégie de développement que fut promulgué le nouveau code des investissements contenu dans l’ordonnance n°66-284 du 15 septembre 1966 et qui va définir le rôle ainsi que la place du secteur privé national et international dans l’économie. Par rapport au code de 1963, celui de 1966 accorde plus de garanties et d’avantages fiscaux portant essentiellement sur l’impôt foncier et l’impôt sur les bénéfices.

L’accès à ces avantages est tributaire de l’obtention d’un agrément délivré par la Commission Nationale des Investissements (CNI) pour les projets dont le montant dépassait les 500 000 DA, ou de la Commission Régionale (CRI) pour les montants inférieurs.

S’agissant de ces agréments, certaines dispositions du code sont ambiguës, notamment celles relatives à leur caractère obligatoire ou non. Pour contourner cet obstacle, les investisseurs optent pour la voie de l’autofinancement.

Au delà des lacunes qu’il présente, le nouveau code a, toutefois, permis au secteur privé d’enregistrer une évolution importante entre 1967 et 1970 comme le montre le tableau ci après :

Tableau n°2 : Les investissements privés agréés de 1967 à 1974.

Source : B. Hamel (1983, p. 245).

A partir de 1970, l’investissement privé décroît de manière brutale. Pour expliquer ce brusque recul plusieurs causes sont mises en exergue par les analystes de ce secteur et que nous synthétisons ainsi :

Par branche d’activité, l’essentiel des projets agréés durant cette période est concentré dans le secteur des textiles avec 301 projets , la mécanique-électricité-métallique avec 119 projets et l’agroalimentaire avec 82 projets. Remarquons que toutes ces branches relèvent du secteur des biens de consommation peu utilisateur de capital. Cette orientation répondait certes à l’exigence de la politique de développement du moment qui donnait aux entreprises publiques le monopole des branches vitales de l’économie, mais était également favorisée par la facilité de contourner certaines procédures administratives très contraignantes.

De manière générale, nous pouvons dire que le capital privé, loin de constituer un complément pour le secteur public, a été soit en concurrence avec lui soit qu’il a utilisé ce dernier comme tremplin pour son développement (dans ce dernier cas il s’agit le plus souvent du privé informel qui fonctionne en parasitant le secteur public en profitant des prix bas des intrants).