2. Les principaux résultats macroéconomiques obtenus à l’issue de la restructuration.

La mise en œuvre de la politique économique, telle que définie à travers les orientations du plan quinquennal 1980-84, s’est traduite par une réallocation des ressources en faveur de la consommation (les pouvoirs publics avaient adopté un programme anti-pénuries ‘PAP’ visant à réduire la tension sur la demande des biens de consommation). Ce changement dans l’allocation des ressources a été justifié par le souci de rentabiliser les investissements déjà réalisés et d’améliorer la dotation en ressources des secteurs qui ont été lésés par le passé comme l’agriculture, l’hydraulique et les infrastructures.

Tableau n°18 : Part de la consommation et de l’accumulation (En % de la PIB)
  1980 1981 1984 1985
Consommation/PIB 47 50 53 54
Investissement/PIB 38 37 37 36

Source : calculés à partir des données de l’Office National des Statistiques

Ainsi, le taux d’investissement moyen durant la période du premier quinquennal a été de 35% contre 45 % pour la période 1973-1980. Ce repli a surtout touché le secteur de l’industrie (y compris les hydrocarbures) qui a vu sa part dans l’investissement global passer de 60,3 % à 37,6%. Les parts respectives de l’agriculture (11,5%), des BTP (4,5%) et du secteur des transports et communications (12,2%) se sont accrûs mais de façon moins prononcée que celle relative aux investissements socio-administratifs (30,7%), traduisant le souci de l’Etat de combler certaines lacunes sur le plan social. Cette nouvelle répartition des investissements a induit un coefficient marginal du capital de 5,12 pour l’industrie, de 13,83 pour les transports et communications et de 22,68 pour l’agriculture.

Les taux d’utilisation des capacités de production installées, même s’ils demeurent insuffisants, ont connu une légère croissance (le taux moyen d’utilisation est de 70 % durant la période). Cependant la productivité totale des facteurs (PTF) reste négative (- 2,1% pour la période 1981-1985)30. De même, la productivité apparente du travail est négative au niveau des différents secteurs à l’exception de l’industrie hors hydrocarbures (5%) et de l’agriculture (2,35%).

En dépit de la tendance baissière qui a caractérisé l’accumulation durant cette période, la croissance économique reste positive (5,1 % en moyenne durant le quinquennat). Celle ci résulte dans une certaine mesure de la restructuration organique et financière opérées dans l’industrie et l’agriculture ainsi que de la réforme des prix. Comme par le passé, ce sont les secteurs des hydrocarbures, de l’industrie et dans une moindre mesure l’agriculture qui continuent d’expliquer la croissance de la PIB.

Dans le domaine de l’emploi, en dehors de la période hors plan (1978,1979) et jusqu’en 1984, la création annuelle moyenne d’emplois n’a cessé d’augmenter atteignant les 150000 emplois par an (plus de 80% dans le secteur public) pour la période 1980-84. A partir de 1985, on assiste à un ralentissement de la dynamique de l’emploi conséquemment à la baisse des investissements publics, suite à la chute des capacités financières du pays.

Ces quelques performances réalisées par l’économie algérienne durant cette période ne doivent cependant pas masquer les nombreuses contre performances qui ont caractérisé certains domaines de l’activité économique. Ces dernières ont concerné notamment les activités exportatrices, supposées mener le train de la croissance : taux de croissance négatif pour les hydrocarbures (-0,3 %) du fait de la contraction31 du marché international des hydrocarbures en 1983 et 1984, d’une part, et de la revue à la baisse des objectifs du plan VALHYD32 d’autre part.

Par ailleurs, la part des exportations des hydrocarbures dans les exportations globales occupent une place de plus en plus dominante : cette part passe de 80% en 1972 à 97% en 1974 (lors du premier boom pétrolier) et reste supérieur à 95% depuis 1977 quelque soit l’évolution du prix des hydrocarbures. Ainsi, vers la fin des années soixante dix ,l’Algérie est devenue un pays mono-exportateur rendant l’économie nationale totalement tributaire du marché mondial de l’énergie.

Dans la structure des importations, on constate la part de plus en plus importante des biens de consommation et plus particulièrement des biens alimentaires dont le poids relatif passe de 18% en 1980 à 22% en 1985. Quant aux biens d’équipement industriels et surtout agricoles, leurs parts de plus en plus réduites, traduisent moins la volonté des pouvoirs publics de contenir le déficit extérieur que l’échec des réformes industrielle et agricole menées durant cette période. En effet, force est de constater au terme de ce quinquennat que la production nationale n’arrive même pas à couvrir plus de 60 % de la demande nationale (à prix constants le taux de croissance de la demande intérieure passe de 7,4% en 1980 à 8% en 1981 puis baisse à 4,3% en 1984 et 1985 suite à la baisse des recettes d’exportation).

Au cours de cette période où les besoins du pays vont en s’accroissant alors que les ressources financières s’amenuisent (l’épargne de l’Etat se réduit suite à la baisse de la fiscalité pétrolière et celle des ménages suite à l’encouragement de la consommation), l’Etat continue de recourir à l’endettement extérieur tout en honorant le paiement de son service de la dette (anticipant même sur ce paiement).

Ce processus de désendettement qui s’appuie sur la stagnation voire la réduction des importations, est très court puisqu’il ne concerne que la période 1981-1983. A partir de 1984 l’endettement extérieur reprend le sentier de l’expansion. En 1985 le stock de la dette avait atteint les 17,5 milliards de $, avoisinant 30% de la PIB alors que le service de la dette représentait à lui seul les trois quarts des exportations.

L’Algérie n’a, certes, pas atteint le seuil critique de la cessation de paiement conduisant fatalement au rééchelonnement de la dette, mais le spectre de manque de liquidité commence déjà à se manifester.

Notes
30.

- La PTF a été calculée par le FMI dans « Algérie : questions choisies », Rapport du FMI N° 07/61, Fev.2007.

31.

- Le marché pétrolier a profondément été marqué durant la décennie quatre vingt. Il y a lieu de relever en premier lieu le reflux de la demande de pétrole (particulièrement celle adressée à l’OPEP) causé par l’apparition de nouveaux producteurs, la non cohésion des pays de l’OPEP avec comme conséquence la perte de parts de marché par cette organisation et enfin la volatilité des prix du pétrole.

32.

- Les responsables du secteur de l’énergie ont, durant cette période, tenté de renégocier certains contrats gaziers conclus durant la décennie soixante dix (notamment celui conclu entre la société nationale de l’énergie SONATRACH et la société américaine El PASO), à l’effet de relever les prix au niveau des prix en vigueur. A noter que ces négociations n’ont pu aboutir en raison du rejet par la compagnie américaine du réajustement des prix proposés par l’Algérie. (B. Abdessselam 1990)