1. Le contexte financier international

Jusqu’au début des années soixante, le système financier international se caractérisait par une certaine stabilité des taux de change et des taux d’intérêt conformément aux principes inscrits dans l’esprit et la lettre des institutions de Bretton Woods. La création puis le développement du marché des eurodollars (l’euromarché) durant les années soixante vont apporter un changement à la configuration du système financier international.

L’euromarché qui s’est constitué en marge du « marché » officiel et, à l’abri des règles de Bretton Woods, vientapporter une réponse aux besoins de financement du commerce international et des firmes multinationales américaines en quête alors de liquidités. Durant cette période, les pays en développement étaient pratiquement exclus de ces prêts à l’exception de quelques investissements directs. La situation va connaître une évolution différente au cours des années suivantes qui verront les transferts de flux privés s’orienter plutôt vers les pays du Sud.

L’essor qu’a connu le « secteur privé » de financement international depuis les années soixante a eu lieu grâce au développement des échanges internationaux impulsé par les Firmes Multinationales américaines et les banques internationales. Cependant, les politiques monétaire et budgétaire menées par les autorités américaines pour faire face aux déficits récurrents de la balance courante et du budget de l’Etat, constituaient de sérieuses limites au financement et par voie de conséquence à l’extension des Firmes Multinationales. Le recours à l’euromarché était, pour elles, la seule voie de contourner ces limites.

Cette situation dans laquelle le stock privé de liquidités internationales commençait à prendre de l’ampleur et à devenir réellement un concurrent des autorités monétaires officielles, particulièrement après l’arrivée des excédents des pays pétroliers (les pétrodollars) en 1973 et 1979, jointe à l’inflation mondiale a poussé le marché international des capitaux à prêter à des taux d’intérêt attractifs. Ces derniers étaient d’ailleurs rendus négatifs entre 1975 et 1977.

Tableau n°24 : Evolution des taux d’intérêt nominal et réel en %.

Source : Données de la Banque Mondiale

C’est précisément cette période, marquée par une élasticité quasi infinie de l’offre de fonds, et par une forte inflation rendant ainsi les taux d’intérêt réels négatifs induisant un allègement de la dette, que l’on caractérise de mode de financement « Sud-Sud » et de période d’endettement (H.Bourguinat, 1986).

Ainsi, entre 1974 et 1982, l’encours de la dette des pays en développement a été multiplié par quatre alors que la charge du paiement des intérêts a doublé en trois ans (entre 1979 et 1982).

Tableau n°25 : Evolution de l’encours de la dette dans les pays en développement (Unité : milliards de $ courants)

Source : Rapport sur le développement dans le monde, BIRD, 1985

C’est également cette situation qui est à l’origine du flottement des taux de change et de l’instabilité des taux d’intérêt. Vers la fin des années soixante dix la fixation des taux de change et des taux d’intérêt ne relève plus désormais du pouvoir discrétionnaire des autorités monétaires mais des seuls mécanismes du marché financier.

Le début des années quatre vingt verra l’ampleur de l’endettement des PVD peser de tout son poids sur le système financier international, le rendant très fragile. Cette fragilité sera accentuée par les effets de la conjoncture économique prévalant à cette époque. Cette dernière a été marquée par une politique de lutte contre l’inflation menée par les pays industrialisés (les Etats-Unis plus particulièrement) ainsi que la recherche par ces derniers d’épargne publique et privée pour financer leurs déficits budgétaires notamment.

Par ailleurs la déréglementation, la désintermédiation financière et le décloisonnement qui ont caractérisé l’évolution du marché financier international avec l’apparition de nouveaux instruments financiers, le développement de la finance directe et la titrisation ont fini par changer la configuration du marché financier international dont les conditions sont rendues plus difficiles par le jeu de la concurrence. Le durcissement des conditions de prêt sur ce marché s’est traduit par l’augmentation des taux d’intérêt mais également par la prise en compte du facteur risque pays dans les conditions de prêt.

Toutes ces raisons sont autant de facteurs à l’origine de l’éviction des pays en développement du financement privé sur le marché international des capitaux. Les flux financiers seront donc essentiellement dirigés vers les pays du Nord d’où son appellation de mode de financement « Nord-Nord». Ainsi, de 1981 à 1986, les prêts bancaires internationaux ont reculé de 86% au profit des prêts privés, et les apports financiers totaux aux pays en développement ont baissé de 40% sur la même période. Comme l’indique A. Henni (1992, P.36), durant cette période les capitaux privés ne se dirigent plus vers le Tiers Monde, ce sont les capitaux du Tiers Monde qui se dirigent vers les pays industrialisés.