1. L’approche de la crise des économies planifiées par les théories du déséquilibre

La théorie du déséquilibre est apparue au début des années soixante dix sous l’impulsion de J P. Benassy, J. Dreze et d’E. Malinvaud. En retenant comme définition du déséquilibre la différence ex anteentre l’offre et la demande, la théorie du déséquilibre admet l’existence des échanges à des prix qui ne sont pas des prix « d’équilibre concurrentiel » ou « d’équilibre Walrassien », et un chômage involontaire prolongée, d’où le nom de déséquilibre .

Dans sa théorie du déséquilibre J. P Benassy (1981) énonce des règles de rationnement qui vont s’appliquer à des agents en situation de manque quantitatif et l’équilibre réalisé ainsi est un équilibre avec rationnement ou contraint par les quantités : les agents du ‘coté long’ seront rationnés et l’équilibre se réalise sur le « coté court ».

Les économies planifiées du centre sont justement des économies à régulation mixte où les ajustements se font par les quantités dans l’économie planifiée et par les prix sur le marché parallèle. Pour leur partie officielle, ces économies sont des économies à prix fixes et relèvent ainsi de l’économie du déséquilibre. Quatre types de déséquilibres peuvent être caractérisés selon les précurseurs de cette théorie :

  • Le chômage déflationniste ou keynésien est une situation caractérisée par un excès d’offre sur le marché du travail et un excès d’offre sur le marché des biens. Les entreprises ne réalisent pas leur offre notionnelle et les travailleurs ne réalisent pas leur demande de travail notionnelle45.
  • L’inflation contenue : ici il y a excès de demande de travail et de biens. L’inflation est dite contenue dans un régime de prix fixes ou exogènes à court terme.
  • Le chômage classique ou stagflation est une situation qui résulte de l’excès d’offre sur le marché du travail et d’un excès de demande sur le marché des biens. Les ménages sont doublement contraints alors que les entreprises réalisent leur offre et demande notionnelles pour les biens et le travail.
  • Le quatrième déséquilibre est une situation d’excès d’offre sur le marché des biens et d’excès de demande sur le marché du travail. Les entreprises sont doublement contraintes alors que les ménages réalisent leur offre et leur demande (idéale). C’est un cas limite soit de la déflation soit de l’inflation et ne peut que dégénérer soit vers l’une ou l’autre situation.

Les économies planifiées du centre, généralement caractérisées par des pénuries et des excès de demande sur le marché des biens, relèvent plutôt du cas de l’inflation contenue. Sur la base de ces schémas d’analyse du déséquilibre, les spécialistes de cette théorie ont construit des modèles permettant de les définir.

Selon Andreff (1993), deux hypothèses président à leur élaboration. La première hypothèse assure que l’échange est volontaire, c'est-à-dire qu’aucun agent n’achète plus qu’il ne demande ou bien ne vendre plus qu’il n’offre. La seconde hypothèse suppose la règle du coté court ou un schéma de rationnement efficace, ce qui veut dire que tous les agents situés du ‘coté court’, réalisent leurs offres ou leurs demandes.

La première hypothèse ne parait pas réaliste en économie planifiée du centre car le planificateur impose ses ventes (planifiées) à la firme. De la même manière, le travailleur vend des quantités de travail supérieures à ce qu’il était disposé à offrir à cause de l’obligation qu’il lui est imposé de travailler. La deuxième hypothèse a fait l’objet de la critique de J.Kornaï dans socialisme et économie de la pénurie. Dans cet ouvrage, J.Kornaï démontre justement que dans ces économies une pénurie et un excédent peuvent coexister à la fois sur un même marché, à cause d’informations insuffisantes ou d’ajustements tardifs.

Notes
45.

- L’offre et la demande notionnelles sont celles qui assurent l’équilibre général de plein emploi, c'est-à-dire un équilibre réalisé sans contrainte de quantité sur l’ensemble des marchés.