Section 3 : le processus d’auto ajustement ou ajustement dans le cadre de l’économie planifiée.

Le caractère profond et durable de la crise économique de 1986 a suscité des réactions de la part des pouvoirs publics se traduisant par la mise en œuvre d’un ensemble de mesures visant sa résorption. Ces mesures expriment, en substance, l’amorce d’un processus de désengagement de l’Etat de la gestion directe de l’économie. Plus concrètement, il s’agit de la séparation de l’Etat propriétaire de l’Etat gestionnaire.

La promulgation d’un ensemble de lois à partir de 1986 : loi bancaire, loi sur l’agriculture, loi sur les hydrocarbures et la loi portant autonomie des entreprises publiques, marque le début de ce processus.

Dés l’année 1986, les autorités promulguent une loi sur le système bancaire (loi 86-12 portant régime des banques) prévoyant la mise en œuvre d’un plan national de crédit (PNC). Le PNC se présente comme un « tableau de bord » pour la régulation macro-financière de l’économie nationale, « il est élaboré en interaction avec le plan annuel et mis en place pour réguler le réescompte des banques et les avances de la banque d’Algérie au trésor. » (Cahiers de la réforme n° 1- 1989).

Cette loi instituait déjà un système bancaire à deux niveaux et prévoyait de faire jouer à la Banque d’Algérie son rôle en matière de politique monétaire et de crédit et de transformer ses rapports avec le Trésor Public. Elle prévoyait également l’introduction de nouvelles règles liées à la gestion des risques. Dans la réalité, cependant cette loi n’a apporté aucune évolution notable puisque le plan national de crédit qui relève, en fait, de la programmation financière est entièrement soumis au plan élaboré en termes physiques M.C Ilmane (1990) .

Au cours de la même année, des mesures ont été prises par l’Etat à travers la loi 86-14 pour booster le secteur pétrolier et ce en permettant la  participation de sociétés étrangères dans le domaine de la découverte de nouveaux gisements et dans l’exploitation et le développement de ces derniers.

Toutefois, l’Etat garde la propriété des gisements, la vente par anticipation destinée à accroître le taux de récupération ne signifiant pas cession des gisements de pétrole qui demeurent la propriété exclusive de la collectivité nationale et encore moins des participations dans le capital de SONATRACH (A.Belhimmer, 1998, p.149). Cette loi énonce par ailleurs que la SONATRACH continue d’avoir le monopole exclusif sur les activités de transport par canalisation.

Poursuivant son processus de désengagement mais non de « désappropriation », l’Etat met en place une série de mesures visant à améliorer la gestion dans le secteur public agricole. Ainsi à travers la loi 87-19 de septembre 1987, les Domaines Agricoles Socialistes ont été divisés en exploitations agricoles homogènes érigées sous deux formes : les exploitations agricoles individuelles (EAI) et les exploitations agricoles collectives (EAC) constituées de trois membres au moins pour les EAC. Les paysans se voient confier, à un prix centralement fixé, la propriété de tous les biens. Cependant, ils n’ont qu’un droit de jouissance sur la terre qui reste propriété de l’Etat.

Malgré ces mesures, de sérieux problèmes entravent le développement de ce secteur. En premier lieu, les personnes étrangères au monde rural ont bénéficié de la privatisation partielle des Domaines Agricoles Socialistes contrairement à la réglementation, d’où la revendication de restitution de ces terres émanant de la paysannerie, revendication qui ne sera prise en charge que plus tard avec le prochain gouvernement.

A ce problème vient s’ajouter l’énorme difficulté d’approvisionnement dont a souffert le monde rural. Le système de production et de distribution des engrais et autres intrants agricoles est assuré par deux entreprises monopolistiques. Malgré les subventions budgétaires, ces dernières, sont confrontés au problème de pénuries de devises, d’où l’incapacité d’approvisionner de façon satisfaisante les unités de production agricoles.

En outre, les services liés à ce secteur restent dominés par les entreprises publiques. Les entreprises privées bien qu’autorisées à fournir ces services se heurtent à des obstacles importants comme l’accès préférentiel aux devises et aux crédits dont bénéficient les entreprises monopolistiques. De plus le contrôle des prix sur ces produits fait qu’ils ne sont pas rentables.

La même démarche a été observée par l’Etat en ce qui concernes les entreprises. En 1988, l’Etat promulgue la loi (88-01) relative à l’autonomie des entreprises publiques. D’après le contenu de cette loi l’entreprise publique économique est une personne morale jouissant de l’autonomie financière et régie par le droit commercial. Elle est soit : société par actions pour les entreprises nationales soit société à responsabilité limitée (SARL) pour les entreprises locales.

Selon M.E Benissad (1994, P.35) l’entreprise publique économique, concept substitué à celui d’entreprise nationale, est donc libre de conclure les conventions selon ses intérêts propres et n’est plus soumise aux clauses rigides du code des marchés publics.

Ainsi, en dehors des branches stratégiques, le droit de fonder de nouvelles entreprises est attribué aux entreprises déjà existantes et aux fonds de participation. Par ailleurs, l’entreprise publique économique peut, dans le cas où elle ne parvient pas à honorer ses engagements financiers à l’égard des tiers, être déclarée en cessation de paiement et amenée à déposer son bilan ou être déclarée en faillite.

En contrepartie, l’entreprise autonome peut selon le même auteur :

De plus, et dans le sillage de l’autonomie des entreprises, on assista à l’instauration de nouveaux mécanismes de rémunération basés sur le droit conventionnel (conventions collectives de branches et conventions collectives d’entreprises).

En conclusion, on peut dire que ce programme initié par les pouvoirs publics pour tenter de redresser la situation dans le système productif, n’a pas apporté de changement notable dans la mesure où certaines lois n’ont pas connu pratiquement de début d’application et pour d’autres n’ont pas produit tous leur effets attendus. Ce constat, est d’autant plus vrai que ces réformes sont intervenues dans un contexte sociopolitique difficile, et dans une conjoncture économique défavorable, marquée par le repli des recettes fiscales provenant du secteur des hydrocarbures.