1.2 L'approche en termes d'absorption : le modèle d’Alexander 52

Le modèle d’ajustement de la balance des paiements fondé sur le mécanisme de l’absorption a été développé par l’économiste Sidney Alexander durant les années cinquante. L’auteur considère qu’il est plus pertinent de mener l’analyse sur les effets de la dévaluation en se basant sur les dépenses réelles plutôt que sur le théorème des élasticités développé par A. Lerner (1944) et J.Robinson (1947).

Le postulat de base de ce modèle est l’égalité ressources- emplois ou l’identité offre globale - demande globale où l’absorption A représente la somme de la consommation et de l’investissement. La balance commerciale (le modèle ne prend pas en considération les mouvements de capitaux) B est égale à la différence entre le revenu national Y (ou produitnational) et l’absorption A.

B = Y - A

En variation cette écriture prend la forme suivante:

B = y - a (1)

Un mouvement du taux de change (dévaluation) aura donc des effets sur y et a. Les changements dans l’absorption sont induits par les mouvements du revenu réel y et de la dévaluation.

a = cy - d(2)

Où cy mesure la variation de l’absorption réelle induite par la variation du revenu réel qui résulte de la dévaluation (c représente la propension à absorber, égale à la somme de la propension à consommer et de la propension à investir). Le second terme d mesure l’effet de la dévaluation sur l’absorption.

En remplaçant l’écriture (2) dans (1) nous obtenons :

b = (1 – c) y + d (3)

La relation (3) exprime l’effet de la dévaluation sur la balance commerciale. Cet effet se décompose en :

  • Un effet prix que représente (baisse des dépenses de consommation et d’investissement engendrée par la hausse des prix domestiques suite à la dévaluation).
  • Un effet revenu représenté par (1 – c) y.

L’effet revenu contient deux composantes : l’effet sous utilisation des ressources y et l’effet variation des termes de l’échange y t. .

D’où :

b = (1 – c) (y r + y t ) + d(4)

Deux situations peuvent alors se présenter :

  • Une situation de sous- emploi  avec :

c < 1  , (1 – c)> 0

(1 – c) (y r + y t ) > 0 siy r > |y t |

La dévaluation exerce un effet positif sur la balance commerciale grâce à un excèdent exportable. Autrement dit, l’effet revenu contribue à l’amélioration de la balance commerciale si l’effet utilisation des ressources est plus grand que l’effet terme de l’échange.

  • Une situation de plein emploi avec :

c > 1  , (1 – c) < 0

(1 – c) (yr + yt ) >0 si yr < | yt |

L’effet revenu peut contribuer à l’amélioration de la balance commerciale, si l’effet utilisation des ressources est inférieur à l’effet termes de l’échange.

Le modèle d’Alexander donne à la dévaluation le pouvoir de redresser la situation de la balance commerciale à travers l’effet prix et l’effet revenu. Ces derniers se traduisent soit par une réduction de la dépense globale (l’absorption) à travers les termes de l’échange, en situation de plein emploi des capacités de production, soit par une augmentation des exportations si les capacités sont sous utilisées.

Les principales limites de ce modèle d’inspiration keynésienne sont en premier lieu la non prise en compte de facteurs monétaires et des mouvements de capitaux. En effet, l’analyse est menée essentiellement en termes réels (négligeant les relations entre masse monétaire et taux de change).

Par ailleurs, l’approche par l’absorption ne rend pas compte des effets dépressifs de la dévaluation qui seront définis plus tard par P. Krugman et L.Taylor (1978, PP.445-466). Les études empiriques ont souvent montré l’absence d’effets positifs de la dévaluation sur le revenu et particulièrement en Afrique (Jaquemot et Assidon, 1988, P. 38-46), (G. Grellet, 1994, p.42).

Notes
52.

- Sidney Alexander : « Effect of devaluation on trade balance », staff paper , vol 2, n° 2, april 1952, pp.263-278