3.1 Les dépenses publiques.

Les dépenses publiques comprennent les dépenses de fonctionnement, les dépenses d’investissement et les charges d’intérêts liées à la dette. Dans le programme de stabilisation du Fonds monétaire, la réduction des dépenses porte principalement sur les postes suivants : les traitements et salaires de la fonction publique, les subventions, les dépenses militaires, les investissements des entreprises publiques, la consommation de l’administration et le service de la dette.

Les postes devant faire l’objet d’une compression sont retenus, en théorie, selon l’efficacité économique et la contrainte sociale. Dans la réalité, ce sont les compromis possibles entre les différents intérêts qui dictent les priorités, ce qui ne répond pas forcément à l’objectif d’efficacité économique.

Ainsi, lors de la mise en œuvre de l’accord de stabilisation en 1991, on assista une forte réduction des dépenses d’investissement et de celles relatives à l’assainissement financier des entreprises publiques.

Tableau n°35 : Evolution des dépenses d’investissements publics en % du PIB

*Y compris les prêts nets

Source : Données du FMI

Les dépenses d’investissement rapportées au PIB diminuent de presque la moitié entre 1988 et 1991. Ce repli est du point de vue politique, facile à réaliser à court terme et même justifié, d’autant plus que la réduction porte sur des investissements ayant peu d’impact sur le développement comme la réalisation d’industries lourdes grosses importatrices d’inputs et sans réels débouchés (G.Grellet 1994).

Dans le but de relancer la croissance, les pouvoirs publics, avec l’appui de la banque Mondiale, sont intervenus en effectuant un choix en matière d’investissements à retenir et à financer. C’est ainsi que 26 projets d’investissement d’un montant global de 1,9 milliards de dollars américains ont été approuvés durant cette période et financés par des prêts accordés par l’EXIM Banque du Japon et la Banque européenne d’investissement. En matière d’assainissement et de recapitalisation des banques, un cofinancement de la Banque japonaise (300 millions de dollars) et de la Banque Mondiale fût approuvé en 1991 afin d’aider les entreprises à supporter les effets de la dévaluation.

Les subventions des prix à la consommation, qui couvraient les denrées alimentaires de base, les produits énergétiques et les services publics tels que le logement social, l’eau et le transport, ont été réduites progressivement à partir de 1991. Les subventions des prix des produits alimentaires et produits énergétiques représentaient jusqu’à 5% du PIB en 1992. La subvention des produits énergétiques a connu une réduction de 2 ,5 points entre 1990 et 1992 alors que le soutien des prix des denrées alimentaires sera complètement éliminé en 1992 à l’exception du lait, du pain et de la semoule dont le taux sera réduit à 2,1% en 1993.

Ces subventions, amplifiées par la dévaluation de 1991 sont financées par le Fonds de Compensation qui représentait une part importante dans les dépenses publiques.

Tableau n°36 : Evolution du fonds de compensation

Source : rapport du FMI (1994)

En dehors de la coupe opérée dans les dépenses d’investissement, les autres postes de dépenses ont, au contraire, connu une certaine progression. Ainsi, les dépenses courantes de l’administration se sont caractérisées par une évolution à la hausse induite essentiellement par les augmentations des traitements et des salaires durant la période. En effet, les salaires de l’administration ont progressé importante entre 1990 et 1993, qui s’explique essentiellement par les nouveaux recrutements au sein de ce secteur.

Tableau n°37 : Evolution de la masse salariale en milliards de DA

Source : Office National des Statistiques

En effet, en novembre 1990, un décret exécutif (du 22 décembre 1990) fixe le salaire national minimum garanti (SNMG) à 1800 DA à compter de janvier 1991, ce qui lui a permis de doubler entre 1990 et 1991, ce dernier a doublé, en passant de 1000 à 2000DA.

Ces augmentations dans certains postes de dépenses publiques et plus particulièrement celles relatives aux salaires de la fonction publique et aux subventions, alors qu’une austérité budgétaire s’imposait, montre combien il est difficile de mettre en œuvre une politique budgétaire restrictive lorsque celle-ci touche directement à certains groupes d’intérêts, ce qui peut ébranler le pouvoir en place (J.M.Raffinot 1991).

Ce relâchement dans la contrainte budgétaire aura pour conséquence le retour au déficit du budget de l’Etat à partir de 1992, accentué par l’expansion du service de la dette publique qu’elle soit d’origine interne ou externe.

Tableau n°38 : Evolution des indicateurs de la dette extérieure

Source : FMI

En matière d’analyse de la dette publique, les modèles théoriques retiennent le critère de stabilité du poids de la dette de l’Etat dans le PIB. Ainsi, si le rythme de croissance de la dette est plus rapide que celui du PIB, la conséquence est l’augmentation de la part des recettes consacrées au remboursement de la dette, ce qui diminue d’autant la marge de manœuvre en matière de financement de la croissance. Pour stabiliser cette évolution, il est nécessaire que le taux de croissance de la dette soit au plus égal à celui du PIB, ce qui peut être démontré à travers la relation suivante :

Le budget de l’Etat :

Recettes + déficits = dépenses courantes + service de la dette (1)

D’où service – déficits = recettes – dépenses courantes (2)

Recettes – dépenses courantes = solde primaire (S) (3)

Le service de la dette s’écrit comme le produit du taux d’intérêt (i) par le stock de la dette (D)

Service de la dette = i (taux d’intérêt) x D (stock de la dette) (4)

Le déficit public représente la croissance de la dette, cette dernière s’écrit d/D.

En notant (g) le taux de croissance du PIB, nous obtenons à partir de (2) :

i D - d = S d’où i = S/D – d/D

i – S/D = d/D = g et i – g = S/D

Pour maintenir stable la croissance (g), lorsque le taux d’intérêt (i) est supérieur au taux de croissance nominal de la production, il est nécessaire que S (le solde primaire) soit positif. Durant la période concernée, les indicateurs clés relatifs au solde primaire, à la croissance de la dette et du PIB ont évolué comme suit :

Tableau n°39 : Evolution du solde primaire, de la dette et du PIB

*le solde primaire comprend : les comptes spéciaux, les prêts nets et les fonds d’assainissement.

Source : Banque d’Algérie et Banque Mondiale.

Cette relative performance réalisée dans la gestion du solde budgétaire entre 1990 et 1992 n’est due qu’à une amélioration éphémère de la fiscalité pétrolière en 1991. Par la suite la baisse des prix des hydrocarbures (les prix passant de 24,3 dollars en 1990 à 17,8 dollars le baril en 1993), la dévaluation du dinar ainsi que le relèvement de certaines dépenses publiques sont autant de facteurs qui expliqueront la dégradation du solde budgétaire.