2.2 L’impact de la libéralisation sur la croissance et l’intégration à l’économie mondiale.

2.2.1 L’impact de la libéralisation sur la croissance.

Un argument généralement présenté par les institutions financières internationales pour justifier la libéralisation des échanges dans les pays en développement est qu’elle permet d’accroître le revenu national en utilisant son avantage comparatif (E. Stiglitz 2002), un argument qui trouve sa source dans la théorie classique du commerce international. Cependant, avec l’évolution des échanges internationaux, des technologies et du rôle de plus en plus important dans ces échanges des firmes multinationales, le cadre d’analyse théorique du commerce international a beaucoup évolué.

Ainsi, dans le cadre de la nouvelle théorie du commerce international, les auteurs raisonnent plutôt en termes de concurrence imparfaite. En effet, les études empiriques80 menées par (Rodrik 1988), (Krugman 1979), (Smith et Venables 1988) et (Baldwin et Krugman 1988) sur les effets de l’ouverture commerciale, ont montré les avantages que peut procurer l’ouverture commerciale tels que l’amélioration du bien être, la modification de la demande (T.F Bresnahan 1987) et les incitations à l’ajustement dans le cadre de la concurrence imparfaite.

Les effets de l’ouverture commerciale sur la croissance en Algérie ont fait l’objet de plusieurs études réalisées aussi bien par certains auteurs que par les experts du fonds Monétaire. La plupart de ces études ont abouti à la conclusion mettant en évidence une relation positive entre croissance et libéralisation commerciale. L’impact est d’autant plus positif quand la libéralisation est accompagnée par d’autres mesures telles que des politiques macroéconomiques saines, l’existence d’infrastructures, un climat propice aux affaires et des institutions favorables au marché (FMI 2007).

Ainsi, les résultats obtenus à l’issue d’une étude économétrique menée par les experts du Fonds Monétaire sur un groupe de 35 pays81 dont l’Algérie pour la période 1993-2005 et les sous périodes 1993-2001 et 2002-2005 ont été les suivants :

Tableau n°75 : Contribution à la hausse du PIB réel par habitant (Données effectives et prévisions en %)

Source : Rapport n° 07/06 du FMI, 2007

La régression a montré que les variables exogènes utilisées dans le modèle expliquent 70 % de la croissance du PIB réel par habitant de l’Algérie, le reste étant expliqué par d’autres facteurs. Les résultats confirment l’existence d’une relation étroite entre l’ouverture commerciale et la croissance ainsi qu’entre cette dernière et les autres variables notamment le taux de scolarisation. Parmi les autres facteurs expliquant la croissance mais non pris en compte par le modèle, les auteurs citent les relances budgétaires engagées par l’Algérie et l’amélioration de la situation sécuritaire.

La conclusion des auteurs laisse comprendre que le taux de libéralisation de l’économie algérienne demeure faible relativement aux autres régions considérées dans le modèle. Les indicateurs institutionnels, parmi lesquels figure le climat des affaires, sont également bas, ce qui relègue l’Algérie à un rang inférieur à celui de la majorité des pays de l’échantillon.

La critique que l’on peut formuler à l’encontre de l’approche du FMI en matière de libéralisation des échanges est qu’elle ne prend pas en considération les effets négatifs sur la croissance économique. En effet, la relation libéralisation –croissance n’a pas un caractère mécanique (L. F. Fontagné 1997, P. 137). Ainsi, une plus grande ouverture peut à l’inverse constituer une menace pour le système productif par la concurrence qu’elle introduit soit à travers les importations soit par le biais des investissements directs étrangers. Un autre effet négatif non moins négligeable de la libéralisation sur la croissance dans les pays en développement est l’expansion du marché parallèle82.

Les auteurs J.D Sachs et A.M. Warner83 ont montré à travers une étude économétrique mettant en relation l’abondance du facteur ressources naturelles, ouverture commerciale et croissance, l’impact négatif de l’abondance du facteur ressources naturelles sur la croissance. Ainsi, les pays ouverts sur l’extérieur et dotés en ressources naturelles ont des taux de croissance plus faibles que ceux des pays moins pourvus en ressources. Ce constat va dans le sens des conclusions des modèles du Dutch disease. Dans le cas de l’Algérie, la libéralisation s’est traduite par une baisse de la compétitivité dans un contexte d’amélioration des recettes pétrolières. En effet, durant la période allant de 2000 à 2005 le différentiel d’inflation avec les principaux partenaires commerciaux (Europe des 15) n’a pas cessé de se dégrader. Ce qui peut être confirmé par l’évolution du taux de change réel de 2001 à 2005.

Graphe n°30 : Evolution du taux de change effectif réel (Données trimestrielles)

Source : données du FMI

Ainsi, on est tenté de conclure avec J.E Stiglitz84 que la libéralisation des échanges ne peut être un vecteur de croissance que si cette dernière est propulsée par les exportations. Dans le cas de l’Algérie il s’agit des exportations hors hydrocarbures.

Notes
80.

- Pour une synthèse des conclusions apportées par ces auteurs voir : « Etat des recherches empiriques sur la libéralisation des échanges dans des conditions de concurrence imparfaites : vue d’ensemble », J. D Richardson ,

81.

- L’échantillon des pays comprend les pays de la région du MENA, les pays producteurs de pétrole importants tel que l’Algérie et des pays non producteurs de pétrole tels que le Maroc, la Pologne , la Croatie etc.

82.

- Nous ne disposons pas de données statistiques fiables sur cet impact mais les auteurs s’accordent pour dire que les devises circulant en dehors du circuit financier officiel prend de plus en plus d’importance (M. Kenniche 2003, p. 270)

83.

- J.D. Sachs et A.M.Warner : “Naturel Resource abundance and economic growth”, 1997.

84.

- J. E. Stiglitz : « la grande désillusion », 2002, P. 28