Introduction générale

Cette thèse se place au carrefour de plusieurs contextes. L’équipe COAST a été, pendant des années, leader de projets de recherche successifs : SESAMES 2002 – 2005 ; OUTILS 1999 – 2002 ; SOC 1996 – 1999. Il en résulte une tradition de collaboration entre des enseignants de lycée et des chercheurs en didactique. Leurs travaux communs ont couvert des réflexions sur l’utilisation du tableau d’avancement en Seconde (Le Maréchal et al., 2004), l’introduction de la conductimétrie en Première (Le Maréchal et al., 2002), les difficultés des élèves sur l’introduction des solutions ioniques (Gandillet et Le Maréchal, 2003) et celle de la notion d’espèce chimique (Le Maréchal et al., 2004), l’utilisation des TICE dans l’enseignement (Pekdag et Le Maréchal 2003 ; Roux et Le Maréchal, 2003) etc. Dans la continuité de ces travaux, un nouveau projet a débuté en 2005 et a réuni pendant 3 ans un groupe élargi. La présente thèse s’est largement appuyée sur des données prises grâce aux enseignants de ce groupe. Nos réflexions partielles ont été régulièrement soumises au groupe qui a pu à la fois en bénéficier, et réagir, ce qui nous a toujours permis de réfléchir à notre propre travail. La présente thèse résulte donc de ce processus complexe dont on pourrait craindre qu’il n’ait pas trop modifié les enseignants qui ont été observés dans leur pratique. Nous rétorquons par avance à de telles critiques que l’essentiel des données a été prises pendant les deux premières années de ce processus. Il est donc raisonnable de penser que l’échantillon d’enseignants était toujours dans « son état initial », l’évolution de leurs pratiques pouvant raisonnablement être supposée plus lent que l’échelle de temps de ces prises de données.

Les projets successifs ont permis d’élaborer des séquences d’enseignement bien rôdées dont le suivi existe depuis plusieurs années. A la suite de chaque utilisation, les séances s’améliorent à la suite des discussions et des observations qui les accompagnent. Nous disposons donc de séances déjà construites, et de professeurs dont certains sont habituées à les pratiquer et d’autres qui sont volontaires pour les découvrir.

Le niveau de la Seconde est une classe intéressante à étudier :

L’organisation pédagogique générale du groupe de professeurs qui travaillent en association avec les chercheurs commence par une activité expérimentale et de questionnement où l’élève est relativement autonome, et se poursuit par une séance de classe entière où le rôle du professeur est d’exploiter le travail effectué en TP, avant d’évaluer les connaissances acquises.

Nous nous proposons de comprendre, du point de vue des connaissances mises en jeu, le moment particulier de l’enseignement pendant lequel le professeur structure les connaissances que les élèves ont élaborées lors d’une activité expérimentale de chimie. Nous appelons ce moment débriefing de l’activité.

Connaître la chimie est, pour un part, savoir parler comme les chimistes (Mortimer et Scott, 2003). A ce titre, une activité importante du professeur, parler, devra être prise en compte et l’analyse de son discours sera considérée avec en arrière plan l’idée que l’apprentissage s’opère pour une part dans un plan social (interaction entre l’apprenant de son environnement – professeur et/ou autres élèves) puis dans un plan individuel (Vygotsky, 1934 : 1997). Nous utilisons cette analyse que nous prolongeons par une analyse des connaissances mises en jeu par le professeur en termes de facettes (Minstrell, 1992). Les volets d’étude de notre travail sont présentés avec la structure suivante :

Le chapitre 1, explicite l’importance de l’enseignement expérimental dans les travaux de recherche, ainsi que dans le curriculum après la réforme. L’intérêt de la séance de débriefing pour l’élève, la compréhension d’une séquence d’enseignement ainsi que pour l’activité de l’enseignant est évoqué. Nous décrivons ensuite le cadre théorique, nous posons nos questions de recherche générale et nous détaillons la méthodologie que nous avons adoptée tout au long de notre analyse dans cette thèse.

Dans le chapitre 2, une description des différentes activités expérimentales sera faite à travers la présentation des séquences d’enseignement qui ont servi pour les séances de débriefings.

Aux chapitres 3 et 4, deux des séances d’enseignement (sur le concept d’élément chimique – chapitre 3 – et sur la classification périodique – chapitre 4) seront analysées en détail. Cela permettra, avant d’aborder l’étude du professeur, de montrer la richesse du travail de l’élève que les enseignants débriefent. Au chapitre 3, l’intérêt de l’activité résulte de l’utilisation peu classique d’une analogie pour construire le concept d’élément chimique. L’accent sera mis, au chapitre 4 sur l’importance de l’utilisation du raisonnement causal pour construire des connaissances en mettant en jeu l’argumentation. Toutes les séances, sur lesquelles les débriefings que nous étudierons sont basés, mériteraient une telle attention, mais l’ajout de chapitres détournerait par trop l’attention vers l’élève, alors que nous voulons mettre l’enseignant au centre de notre travail.

Dans le chapitre 5, nous décrivons la structure linguistique et cognitive du débriefing-corrigé, type le plus fréquent. La structure linguistique porte sur la catégorisation des interventions des enseignants et des élèves. La structure cognitive porte sur une analyse didactique en termes de facettes de connaissance.

Dans le chapitre 6, nous nous sommes intéressés à la présentation et la description du débriefing impliquant une fiche de synthèse des points de vue linguistique, cognitif et sémiotique. Nous nous pencherons sur la façon dont les fiches de synthèses sont créées et utilisées par les enseignants.

Dans le chapitre 7, nous décrivons l’organisation et la structuration des connaissances dans le débriefing ayant la forme d’un cours au sens transmissif du terme, mais basé sur l’activité expérimentale.

Dans le chapitre 8, nous décrivons les limites d’un débriefing qui cessera d’être en relation avec le TP au moyen d’une étude de cas au cours de laquelle l’un des enseignants, supposé faire un débriefing, intervient de telle façon que ce qui se passe n’est en fait pas un débriefing.

Dans le chapitre 9, nous nous sommes finalement préoccupés de présenter les différentes résultats d’un questionnaire élaboré à partir de nos différents types de débriefings afin de dépasser le stade d’étude de cas des chapitres précédents.

Les chapitres 5, 6 et 7, bien que dans la continuité de la réflexion qui sous-tend ce travail, ont été rédigés avec une certaine autonomie. La synthèse de leurs résultats prend sens dans la conclusion générale qui montre que tous ces chapitres sont au service d’une même et unique thèse.

Afin de ne pas alourdir la lecture de ce travail, le détail de certaines informations sur les activités expérimentales, les productions verbales et écrites des élèves et les analyses des données sont présentées en annexes.