Le contexte de la recherche et la problématique

Les instructions précises des programmes scientifiques d’août 1999 en Seconde en France ont demandé de mettre en place un enseignement scientifique basé sur la démarche d’investigation. Celle-ci, défini par des textes officiels (BO…) contient sept étapes :

  1. Choix d’une situation problème par l’enseignant ;
  2. Appropriation du problème par l’élève ;
  3. Formulation de conjectures, d’hypothèses, de protocoles possibles ;
  4. Investigation ou résolution du problème conduite par les élèves ;
  5. Échange argumenté autour des propositions élaborées ;
  6. Acquisition et structuration des connaissances ; et
  7. Opérationnalisation des connaissances ;

Chacune constituées de sous étapes. Cette démarche d’une grande richesse, mais également compliqué à mettre en œuvre, se traduit le plus souvent dans les faits par trois phases, la première (A) de préparation par l’enseignant (étape 1 ci-dessus) hors classe, la seconde (B) d’un travail en classe, que nous appellerons ici « Activité expérimentale » pendant laquelle les élèves travaillent en binômes, le plus souvent dans un laboratoire, constitué des étapes 2 à 4 ci-dessus et la troisième (C), de la fin de la démarche d’investigation, étapes 5 – 7 en classe entière. Dans l’esprit du programme, l’étape 3 doit être conduite par l’élève. Dans l’enseignement par activité, au sens des programmes d’août 1999, cela n’était pas le cas. Une des conséquences fut (et nous allons la réutiliser dans nos activités) de proposer à l’élève des démarches guidées sollicitant la formulation de conjectures, d’hypothèses et de protocoles qui seraient ensuite réalisés pas les élèves.

Des conséquences visibles sur les pratiques enseignantes résultant de la nouvelle démarche pédagogique (2e situation ci-dessus) et sur les manuels scolaires, notamment, sont apparues afin d’éviter d’introduire systématiquement les connaissances pendant un cours (le cadre théorique ci-dessous précise ce que l’on entend par « cours ») et de privilégier l’implication de l’élève dans des activités scientifiques (phase B ci-dessus). Il en résulte une contrainte qui impose à l’enseignant de se mettre au diapason du constructivisme, par opposition au style transmissif qui caractérisait l’enseignement avant la réforme. S’agissant d’une réforme qui modifie plus que le contenu du programme, puisqu’elle entreprend de changer la méthode d’enseignement, il faut s’attendre à des difficultés (Chevallard, 1999) que nous avons voulu explorer.

L’enseignement par activité, qui résulte de la démarche d’investigation préconisée, permet que s’instaure des conversations entre l’enseignant et la classe (étape 5 et 6 ci-dessus) – par opposition à la forme discours de l’enseignant seul face à sa classe lors d’un cours. La conversation est un moment qui permet à l’enseignant d’écouter ses élèves, et éventuellement de prendre en compte leurs connaissances.

Donc le contexte de l’enseignement par activité, nous considérons l’enseignement actuel de la chimie en classe de seconde. Celui-ci se divise en trois grandes parties : chimique ou naturel, structure de la matière et réaction chimique (figure 2).

Figure 2 : Les différentes parties de l’enseignement actuel de la chimie
Figure 2 : Les différentes parties de l’enseignement actuel de la chimie

Comme le montre la figure 2, l’enseignement de la structure de la matière se divise en différents thèmes. Dans chaque thème, le travail de l’enseignement consistait, avant la réforme, à enchaîner un cours, une activité expérimentale où l’élève utilisait les connaissances qui étaient mises en jeu lors du cours, des exercices et enfin une évaluation de l’apprentissage des élèves avant de passer au thème suivant. La question que nous nous posons c’est quel enseignement faire après une activité expérimentale, si elle n’a pas été précédée d’un cours qui structure les connaissances ?

Pour avoir pratiqué et étudié de telles activités pendant de nombreuses années, nous avons pu constater l’avantage d’une telle méthode pédagogique pour ce qui concerne la mise en œuvre, en activité, des nouvelles connaissances par les élèves. Il apparaît que ceux-ci mettent en jeu les connaissances qui sont l’objet de l’apprentissage. Ils apprennent effectivement, du moins si l’on donne au terme apprendre moins le sens de remplacer de vieilles idées par de nouvelles que celui de négocier un nouveau sens aux idées lors d’un procédé communicatif (Scott & Mortimer, 2003, 2002). Lors de l’activité (phase B), le débat entre les élèves d’un binôme est permanent et de nouveaux sens émergent, certains pertinents, d’autres non, et l’enseignant qui gère l’ensemble de la classe n’est pas présent pour différencier ce qui est pertinent de ce qui ne l’est pas. De plus, nous avons également constaté de nombreux inconvénients à cette méthode d’enseignement. L’absence d’un cours structuré empêche les élèves de disposer d’un cahier de cours ; ils ont à la place d’un cahier d’activités, très riche, mais où la formulation et la structuration des connaissances est bien moindre que lors d’un cours. Il s’ensuit des difficultés pour programmer des révisions et des contrôles de connaissances. De plus, les parents d’élèves paniquent facilement, rendant la méthode pédagogique responsable de l’échec de leurs enfants.

L’absence de cours résulte d’au moins deux phénomènes. L’enseignant, qui sait que ses élèves ont fait fonctionner les connaissances qui sont l’objet de l’apprentissage, est peu enclin à faire un cours, puisqu’il sent que l’acquisition des notions nouvelles a été prise en charge. De plus, l’activité requiert qu’on reparle, en classe entière, des erreurs qui sont apparues dans les comptes rendus des élèves, et le contrat force l’enseignant à ce que les questions posées soient corrigées. Cela prend du temps, temps que l’enseignant trouve important, mais temps qui manque pour développer un cours.

A la suite d’une activité confiée à ses élèves, l’enseignant a donc tout intérêt à revenir sur cette activité. Cela constitue dans les faits tout ou partie de la phase C ci-dessus. Nous appelons ce retour Débriefing de l’activité. Nous allons voir qu’il peut être de différente nature, et que le statut de la connaissance qui est l’objet de l’apprentissage en dépend.

Ce qui se passe en classe après une activité est l’objet de cette thèse. Nous l’appelons « débriefing de l’activité » et nous allons étudier le travail de l’enseignant lors des différentes formes de débriefing de l’activité. Notre travail se distingue des nombreuses études sur la professionnalité enseignante (Chin, 2006, et les références mentionnées) par le fait que c’est généralement le moment de l’activité qui est étudié, et non ce qui suit l’activité comme ici.