La structure linguistique : L’analyse conversationnelle

Les travaux de recherche sur l’analyse du discours

Avec l’accroissement des terrains d’investigation, toute production verbale ou non verbale, orale ou écrite peut devenir de nos jours un objet d’analyse du discours. Selon Dominique Maingueneau (1989: 18)

‘‹‹tout discours peut être défini comme un ensemble de stratégies d'un sujet dont le produit sera une construction caractérisée par des acteurs, des objets, des propriétés, des événements sur lesquels il s'opère››. ’

C’est pour cette raison que la variété des corpus est indissociable de la variété des approches et des présupposés théoriques. Barry (2002) a présenté les différentes approches en analyse de discours.

L’analyse des interactions en classe est devenue une question centrale pour les didactiques des disciplines. Autrement dit il est toujours déterminant de pouvoir connaître objectivement ce qui se passe effectivement dans les salles de classe, que celles-ci soient "normales" ou "expérimentales ", que les élèves se trouvent en apprentissage guidé (en cours) ou en apprentissage autonome (en TP par exemple) (Bouchard et Rolet 2003). Brousseau (1995) a fait des propositions portant sur la régulation des interactions en classe (contrat didactique, dévolution...) ; Sensevy (2007) a catégorisé les activités de l’enseignant en quatre : définir, réguler, dévoluer et instituer. Chevallard (1995, 1997), Mercier, Sensevy (2000, 2002) de leur côté ont proposé une modélisation de l’action de l’enseignant (notions de chronogenèse, topogenèse, et mésogénèse), mais sans prendre en compte spécifiquement la dimension langagière. Fischer et al. (2005) a décrit les différentes actions verbales et manipulatoires de l’enseignant. Mork (2005) a présenté les raisons pour les différentes interventions et stratégies de l’enseignant en fonction des objectifs du curriculum. Tiberghien (2007 a, b) a analysé une séquence d’enseignement à l’échelle mésoscopique (organisation de classe, thèmes, ressources, phases didactiques, actions de l’enseignant et description du contenu). André Robert (1999), a étudié les échanges en classe de mathématiques.

La complexité des phénomènes interactionnels caractéristiques d’une classe en fait une question toujours actuelle (Filliettaz 2002). Rolet et Bouchard (2003) ont proposé une méthode générale de l’étude des interactions didactiques. Divers études ont été faites sur l’analyse de conversations classées depuis Levinson (1983) sous les étiquettes d’analyse du discours et d’analyse conversationnelle. D’après Bouchard (1998), l'étude des interactions en classe a été un des premiers terrains de la jeune analyse du discours oral (Sinclair et Coulthard 1975). Sinclair & Coulthard remarquaient dès 1975 que ces unités de grande taille correspondent à l’activité sociale en cours et, par voie de conséquence, varient avec celle-ci. Pour la même raison, Roulet et al., dans leurs différentes publications (1985, 1999) se sont essentiellement intéressés aux trois unités les plus petites, l’échange, l’intervention et l’acte, les plus régulières dans leur comportement pragmatique, laissant de côté l’incursion et plus encore la transaction. Kerbrat-Orecchioni (1996) de son côté préfère atténuer ce "rang" (la transaction) en lui ôtant tout nom spécifique pour simplement parler de "séquence d’échanges".

Partant de l'intervention pédagogique portant sur le calcul mental, Bouchard et Rolet (2003) progresserons vers des unités didactiques de rang inférieur (cf. Filliettaz dans Roulet et al. 2001). Ils en distingueront trois : les phases (ou moments), les épisodes et les étapes. Les unités, ou constituants, obéissent au principe de composition hiérarchique qui s’énonce ainsi : « Tout constituant de rang n est composé de constituants de rang n - 1 ». Les constituants de la conversation sont l'incursion, la transaction, l'échange, l'intervention et l'acte de langage (Santacroce, 2000).

L’analyse des interactions en classe est devenue donc une question centrale pour les didactiques des disciplines c’est qu’on peut remarquer d’après ce parcours des différents travaux de recherche. Nous allons dans ce qui suit nous intéresser à l’échange ternaire parce qu’on cherche à étudier et décrire les différentes activités de l’enseignant dans la séance de débriefing principalement dans chaque intervention. Pour Sinclair & Coulthard (1975), Roulet (1985) ou Moeschler (1985), l’échange le plus classique est l’échange ternaire. Celui-ci comprend trois unités de rangs inférieurs : les interventions. D’autres chercheurs diront plus prudemment qu’il est constitué d’ "au moins" deux interventions (Orecchioni, 1996 ; Traverso, 1999). L’échange ternaire, dont la dernière intervention peut être très fortement investie didactiquement (ex Question, Réponse, Evaluation/institutionnalisation), est considérée comme fiable pour l’analyse de beaucoup de leçons de type dialogué (Bouchard, 1981 ; 1998 ; 1999).

Les constituants de l'échange sont les interventions (Goffman, 1973 ; Sinclair et Coulthard 1975). Dans le modèle hiérarchique et fonctionnel, La structure basique d'un échange peut être représentée sous la forme arborescente suivante:

Figure 5 : Structure de l’échange ternaire d’après Moeschler et Reboul (1994).
Figure 5 : Structure de l’échange ternaire d’après Moeschler et Reboul (1994).

Ce modèle ternaire postulé également par Mehan (1978) pour l’interaction pédagogique, a été généralisé ensuite à l’ensemble des conversations. Certains linguistes de l’école de Birmingham, qui accompagnaient les travaux de Sinclair et Coulthard, ont même montré que ce dispositif interactionnel ternaire pouvait être considéré comme spécifiquement pédagogique. L’échange pédagogique se spécifie de la manière suivante (Bouchard 2005) :

  • première intervention : question pédagogique comme moyen d’information tout en mobilisant l’attention des élèves sur un thème explicitement ouvert par la question ;
  • deuxième intervention : réponse d’un élève (sélectionné à cet effet) et
  • troisième intervention : évaluation, mais surtout apport de l’information « officielle » par le maitre qui répète la bonne réponse de l’élève et la reformule.