Les travaux sur l’élément chimique

De nombreux travaux sur l’enseignement où l’apprentissage de la notion d’élément chimique ont été publiés, desquels il apparaît quantité de difficultés. Brito et coll. (2005) ont énoncé les spécificités de nombreux ouvrages sur la classification périodique ; Schmidt et al. (2003) recommandent de lutter contre la croyance de l’égalité du nombre de protons et de neutrons au sein d’un atome neutre par une inspection attentive des masses affichées dans la classification périodique. Il cherche à faire différencier les notions d’isotopie et de radioactivité, ou d’isotopie et d’allotropie. Laugier et Dumon (2000 ; 2003) ont catégorisé les obstacles auxquels les élèves étaient confrontés lorsqu’ils abordaient la notion d’élément chimique en relation avec sa propriété de conservation au cours d’une série de quatre réactions chimiques ; Sallaberry (2000) illustre l’évolution des représentations d’un concept chez un individu. Il montre le passage de la représentation imagée à la représentation langagière puis, à leur articulation dans le cas de la construction du concept d’élément chimique.

La notion d’élément chimique, reconnue comme complexe par ces auteurs, de même que, plus anciennement, par d’autres (par exemple : Martinand et Viovy, 1979 ; Bensaude-Vincent, 1984 ; Viovy, 1984 ; Martinand, 1986 pp. 149-174) peut difficilement s’enseigner sans mettre en jeu celle de réactions chimiques, puisque c’est au sein de celles-ci que sa conservation intervient (Le Maréchal et coll., 2007). Or il nous est apparu essentiel de se priver de l’écriture symbolique des équations chimiques, d’apparence facile (Hesse & Anderson, 1992), mais pour laquelle la signification en relation avec les théories et modèle qui leur donne sens est absente chez l’apprenant de ce niveau (Yarroch, 1985). Pour cet auteur, équilibrer une équation chimique n’est qu’un jeu mathématique d’additions et d’égalités de symboles de part et d’autre d’un signe égal fictif. Pour cette raison, nous avons basé la séquence d’enseignement sur une analogie que nous allons analyser et valider. Cette analogie, d’apparence naïve, présente plusieurs originalités dont la pertinence va être justifiée tant d’un point de vue théorique que par l’apprentissage que nous avons constaté chez des élèves de Seconde (avec une dizaine d’enseignants pendant douze ans environ). Les enseignants qui ont participé à ce travail se sont réunis régulièrement au sein du groupe S.E.S.A.M.E.S.-chimie4 pour échanger des informations sur le déroulement en classe d’innovations, et pour corriger, le cas échéant, les textes du travail demandé aux élèves.

Quand des transformations chimiques sont impliquées sans prendre en compte leur aspect quantitatif (bilan de matière par exemple), les difficultés (niveau lycée) se traduisent par le fait que les élèves ne font pas apparaître de connaissances théoriques qu’ils connaissent pourtant par ailleurs. Au lieu d’interpréter des observations relatives aux réactions chimiques par des réarrangements d’atomes, ils en appellent fréquemment à des analogies superficielles d’événements de la vie quotidienne, par exemple « rouiller, c’est se détériorer » (Hesse et Anderson 1992). En cela, ils acceptent qu’un composé chimique change ses propriétés sans que lui-même ne soit modifié (Hesse & Anderson, 1992; de Vos & Verdonk, 1985, 1987). Si la modification du composé chimique est reconnue, alors les élèves l’imaginent facilement comme le résultat du mélange et non comme un réarrangement des structures moléculaires (Andersson, 1986, 1990; Hesse & Anderson, 1992).

Jusqu’au début du collège (grade 7 et 8), une petite partie des élèves (12% en grade 7 et 4% en grade 8) donne l’exemple d’une dissolution comme réaction chimique, et la plupart évoque la combustion (Ahtee et Varjola, 1998). Ces auteurs précisent également que le changement d’état n’est considéré comme une réaction chimique que par 7% des élèves de lycée (senior secondary school)5. Bien que les élèves mentionnent la combustion comme une réaction chimique, celle-ci n’est pas perçue, (entre 11 et 15 ans) comme mettant en jeu des réactifs, mais au contraire, comme étant une conséquence de la présence d’une flamme dotée de la propriété de changer les « objets » placés à son voisinage, que ce soit le combustible ou l’air (Méheut, 1989). Pour un tiers de ces mêmes élèves, une invariance des substances (et non des éléments) est notée. Ainsi, « le bois brûlé est encore du bois, l’alcool quand il brûle reste de l’alcool, il ne fait que s’évaporer, les métaux ne peuvent que fondre » (ibid. p.999 ; Méheut et coll. 1985). Le rôle des flammes lors des combustions est également apparu chez d’autres auteurs (Driver et coll. 1985 ; Andersson 1990). La conception agent-patient (Lakoff & Johnson, 1980, pp. 70–71) a également été relevée dans les conceptions des élèves mises en œuvre pour interpréter une transformation de la matière. Au lieu de considérer la symétrie de partenaires de la réaction, l’un (l’agent) est considéré réaliser la transformation, l’autre (le patient) la subissant. Ainsi lorsque du sel est introduit dans l’eau, certains élèves considèrent que l’eau est l’agent (actif) alors que le sel est le patient (passif). En revanche, pour expliquer le goût salé de l’eau, les mêmes élèves n’hésitent pas à inverser les rôles d’agent et de patient, considérant alors que le sel est l’agent (Hatzinikita et coll., 2005).

Notes
5.

Au niveau scolaire, il est important de faire comprendre que la dissolution ou les changements d’état ne sont pas des réactions chimiques. Quand on y regarde de plus près, plus tard dans les études, cette catégorisation devient moins tranchée. Par exemple, lors de la dissolution d’un sel, les ions changent d’environnement chimique, ce qui est une des caractéristiques d’une réaction chimique, tout comme les molécules des constituants d’un eutectique lors d’une transition liquide solide.