Notre point de vue sur la construction de l’élément chimique

Construire chez l’élève le concept d’élément chimique revient à construire, non pas une nouvelle catégorie, mais un nouveau type de catégorie. Il ne s’agit pas de construire une catégorie d’objets macroscopiques comme des petites bêtes à six pattes regroupées sous la dénomination d’insectes, ni d’objets géométriques comme les figures de quatre côtés parallèles deux à deux catégorisés comme des parallélogrammes. Il s’agit de regrouper des entités que l’élève n’a jamais vu (atomes ou ions de différents isotopes) ayant le même nombre de protons dans leur noyau (concepts inconnus de l’élève) sous l’hypéronyme d’élément chimique. Les élèves n’ayant pas encore appris le concept de noyau, le programme recommande que cette définition ne soit pas utilisée. A la place, la catégorie qu’il faut construire est définie par la seule propriété de conservation lors d’une transformation chimique. Outre la difficulté de donner du sens à une catégorie ainsi définie, il faut garder à l’esprit que la notion de transformation chimique est en cours de construction chez l’élève.

Dans de nombreux manuels scolaires et articles, la construction de la notion d’élément chimique est basée sur les expériences suivantes : oxyder (et donc faire disparaître) du cuivre métallique en ions Cu2+, puis faire quelques transformations chimiques dont la dernière fait réapparaître le métal, caractérisé par sa couleur. C’est là tout l’intérêt du choix du cuivre. La conclusion d’un tel travail est que si le cuivre métallique a pu disparaître puis réapparaître, c’est que quelque chose en rapport avec lui se conserve (Grossetete, 1996 ; Lecardonnel, 1993 ; Gentric, 1993 ; Laugier & Dumon, 2000 ; 2003). Une telle idée avait été proposée par Piaget et Inhelder (1941) à propos de la conservation de la matière lors d’une dissolution, dont le caractère réversible éclaire les élèves de 12-13 ans. Par ailleurs nous reviendrons, lors de la discussion, sur cette approche qui recèle des difficultés que les recherches sur ce sujet semblent ne pas avoir abordées, par exemple la polysémie du mot cuivre. Dans le langage habituel, celui-ci désigne en effet soit le métal cuivre, soit l’élément chimique cuivre. L’hypothèse que seul le premier sens soit connu des élèves peut être formulée. Ainsi, évoquer le terme cuivre à des élèves revient, de leur point de vue, à parler du métal, alors que le plus souvent, l’enseignant semblerait avoir en tête l’élément chimique.

La figure 1 représente les diverses connaissances liées à la notion d’élément chimique. Les relations entre ces connaissances sont indiquées par des liens. En gris gras apparaissent les connaissances et les relations qui doivent être construites, à partir de celles, déjà connues qui sont indiquées en noir maigre. Ce schéma précise : la connaissance initiale des élèves pour qui cuivre et métal cuivre sont identiques ; la polysémie qui existe autour du mot cuivre, suivant qu’il est métal ou élément chimique ; le fait que l’élément chimique cuivre est un élément de la catégorie éléments chimiques ;  et les principales propriétés de l’élément chimique qui permettent de définir la catégorie.

Figure 1 : Les diverses connaissances liées à la notion d’élément chimique dans la situation d’enseignement étudiée.
Figure 1 : Les diverses connaissances liées à la notion d’élément chimique dans la situation d’enseignement étudiée.

La présentation de la séquence d’enseignement exposée dans la suite du chapitre consiste à montrer comment peuvent se construire les connaissances représentées en gris sur la figure 1 à travers les différentes questions. Notre approche diffère de celles citées précédemment en ce qu’elle souhaite mettre en œuvre la notion de conservation (et de non-conservation) à l’aide d’une analogie, afin de faire réfléchir sur la propriété essentielle de la catégorie dont l’élève va devoir comprendre le sens. Puis, il faudra faire apparaître l’ambiguïté liée à la polysémie du terme cuivre afin qu’un premier élément de la nouvelle catégorie soit installé.