Réutilisation de la situation expérimentale et de l’analogie par l’enseignant

Lors de la séance de débriefing, les trois enseignants ont commencé par reprendre l’analogie et la situation expérimentale avant d’introduire la notion d’élément chimique. Dans la discussion de classe qui précède cette introduction, nous avons constaté que l’enseignant fait intervenir les Blicks en tant qu’objet. Il évoque leur forme, leur nombre, leur structure : « ils sont collés / ils sont des êtres imaginaires / ce sont des choses différentes ». De plus, cette évocation est en relation avec la transformation et la conservation : « le contenu de la boite s’est transformé là on a fait des transformations est ce qu’on peut raisonner un peu de la même façon / ça veut dire qu’est ce qui s’est conservé qu’est ce qui ne s’est pas conservé pendant la transformation et on parle de quelle transformation ». Cette discussion fut de durée variable mais a toujours eu lieu. En revanche, les connaissances impliquées : la non-conservation et la conservation du cuivre, la contradiction qui en résulte et l’introduction de la notion d’élément chimique qui vient ensuite, ont profondément différées entre ces enseignants. L’enseignant H, enregistré quatre fois en deux ans, a fait intervenir toutes ces notions dans cet ordre. L’enseignant M, enregistré deux fois la même année, n’a pas explicité la contradiction, pas plus que l’enseignant D qui n’a également pas parlé de conservation avant d’introduire la notion d’élément chimique. Les extraits ci-dessous (tableau 6 et 7) montrent deux exemples où la gestion de ces connaissances permet d’expliciter la polysémie, et un troisième où ce n’est pas le cas.

Tableau 6 : Extrait de la transcription de l’enseignant D en explicitant la polysémie.
Tableau 6 : Extrait de la transcription de l’enseignant D en explicitant la polysémie.

L’enseignant H (tableau 7) distingue bien le cuivre métal, ion, atome, avant de rebondir sur ce qu’a dit l’élève « le mot » et d’introduire la notion d’élément chimique. En ce sens, il gère la polysémie du mot cuivre. Un autre enseignant l’a également bien géré, en distinguant le « morceau de cuivre » qui ne se conserve pas, et le besoin d’un « mot nouveau ».

Tableau 7 : Extrait de la transcription de l’enseignant H en explicitant la polysémie.
Tableau 7 : Extrait de la transcription de l’enseignant H en explicitant la polysémie.

Dans un troisième cas (tableau 8), l’enseignant semble ne pas réussir à être clair sur la distinction entre les différents sens du mot cuivre quand il dit :

Tableau 8 : Extrait de la transcription de l’enseignant M ayant la difficulté de gérer la polysémie.
Tableau 8 : Extrait de la transcription de l’enseignant M ayant la difficulté de gérer la polysémie.

Dans cet extrait (tableau 8) le cuivre en A, B et C correspond au métal, alors qu’en D il s’agit de l’élément chimique cuivre. En effet, le métal ne change pas de forme, du moins pas avec ce sens du mot forme, alors que l’élément chimique, si. Ainsi, la distinction métal / élément chimique n’apparaît pas dans ce discours et, pour l’élève, il y a toutes les chances pour qu’il s’agisse, même en D, de cuivre métallique. Cet extrait fait donc apparaître toute la difficulté de gérer en permanence la polysémie du terme cuivre.

De même on trouve dans plusieurs manuels scolaires ce genre de confusion citons par exemple dans Nathan : 1997 2nde Physique chimie la phrase suivante « Malgré les aspects différents que revêtent ces diverses formes du cuivre(*), on peut dire qu’elles contiennent toutes l’élément chimique cuivre. » En (*), quel est le sens réel de terme cuivre, si ce n’est élément chimique cuivre ? Aussi, la phrase est-elle : Malgré les aspects différents que revêtent ces diverses formes de [l’élément chimique] cuivre, on peut dire qu’elles contiennent toutes l’élément chimique cuivre, qui n’apporte aucune information. Pour l’élève, cette phrase signifie que le [métal] cuivre est sous diverses formes, ce qui n’est pas ce qu’il faut lui enseigner. De même dans le même manuel la phrase suivante « Le cuivre(A) sous forme(B) solide est le composant principal des casseroles de nos grands-mères, des fils électriques et des tuyaux d’alimentation en eau des maisons. Il(C) apparaît également sou d’autres formes(D). » Plusieurs ambiguïtés dans cette phrase de Nathan (2004). Le cuivre (A) est pour l’élève le métal cuivre, confirmé par le fait qu’on lui parle de casserole, de fil ou de tuyau. Le « Il » (C) se réfère à ce même cuivre, et le fait qu’ « il » soit sous d’autres formes peut, pour l’élève, certainement faire penser à d’autres objets en cuivre. Pour l’auteur, il s’agit de formes de l’élément chimique, ce qui ne peut être compris de l’élève. Cette ambiguïté montre à quel point il est difficile de s’exprimer quand il s’agit d’introduire la notion d’élément chimique.