La polysémie

La gestion du lexique est une question qui a interrogé de nombreuses recherches en didactique, en particulier dans les domaines de la mécanique et de l’optique où des termes du vocabulaire courant sont redéfinis par le scientifique. Ainsi, le mot force doit-il faire l’objet d’un changement ontologique pour passer du terme courant, qui est une caractéristique d’une personne (j’ai de la force), à une grandeur d’interaction entre deux objets (Chi et al. 1994). En optique, le terme image, défini comme ce qui est créé par l’intersection des rayons lumineux, correspond dans le vocabulaire courant à « image nette », ce qui empêche l’utilisation scientifique du syntagme « image floue » (Buty, 2004). En chimie, l’introduction de la notion d’équilibre doit aussi faire l’objet d’une reconstruction du sens (Boo, 1998 ; Boo et Watson 2001 ; Roux et Le Maréchal, 2003 ; Chiu et al. 2002). Ces recherches se sont essentiellement basées sur la notion didactique de conception. Notre approche a été différente par le fait que la polysémie du terme cuivre fait intervenir le syntagme « élément chimique » qui n’a pas d’usage dans le lexique courant. Comme le fait remarquer Taber (2001), les phénomènes de la chimie, qui ne sont pas observables, ne conduisent pas aux mêmes types de conceptions que ce que l’on peut attendre en physique ou en biologie, ce à quoi nous ajoutons : quand les concepts et/ou les termes qui les décrivent ne font pas partie de la vie quotidienne.

Faire prendre en charge la polysémie d’un terme par un enseignant n’est pas simple, et expose le collègue à la facile critique de vouloir couper les cheveux en quatre. Hofstadter (2001), dans sa Standford Lecture, compare cette situation à celle de l’apprentissage d’une langue étrangère quand un unique mot de la langue maternelle doit être traduit, suivant le sens, par un mot ou par un autre. Par exemple, tous ceux qui ont appris l’Anglais à l’école doivent se souvenir des âpres moments passés à gérer la traduction du verbe faire (do ou make). Avec la pratique cependant, l’esprit se crée des catégories affinées jusqu’au moment où ce qui paraissait non-naturel et gratuit se met à offrir un contraste intéressant dans sa propre langue. Dans la situation proposée dans notre travail, l’analogie des Blicks et la réflexion qui l’a entourée se sont évertuées à faire en sorte que la prise en compte de la polysémie n’apparaisse pas comme gratuite, mais résulte d’un besoin pour pouvoir analyser les observations. Nous avons vu ci-dessus des exemples où les élèves en étaient parfaitement conscients.