Histoire de la classification périodique et apprentissage

Nous défendons l’intérêt de l’histoire des sciences, source d’ouverture interdisciplinaire, de prise de distance sur la connaissance, et de motivation pour les élèves. Cependant, ce n’est pas parce qu’une telle approche est intéressante qu’elle aide à l’apprentissage, et dans le cas de la classification périodique, certains pièges peuvent être considérés comme redoutables pour la construction du sens de la notion d’élément chimique. La découverte de celle-ci est attribuée à Lavoisier et, bien que sa contribution au développement de la chimie soit immense, la définition qu’il donne de l’élément chimique est purement expérimentale (Bensaude-Vincent, 1984). Il faut prendre conscience que ce que Lavoisier appelle « élément chimique » est, dans notre enseignement, proche d’« espèce chimique » ou de « corps simple ». Dans sa définition, l’élément chimique constitue « le dernier terme auquel parvient l’analyse », c'est-à-dire l’échantillon obtenu par décomposition d’un composé chimique, à savoir ce qui correspond à un corps simple. Les lois qu’il énonce au sujet de ce concept sont des lois de conservation (i) qualitative (s’il y a du cuivre à la fin, il y en a au début), et (ii) quantitative (il y a autant d’élément cuivre au début qu’à la fin). Ces lois ont ouvert un immense champ de recherche qui a permis de doubler le nombre d’éléments chimiques connus : 33 à la fin du 18e siècle quand Lavoisier écrit son traité de chimie, 66 quand Mendeleïev les classe en 1869. La notion moderne d’élément chimique n’arrive que postérieurement à la découverte par Moseley, au début du 20e siècle, du numéro atomique, et la seule preuve de la découverte d’un élément chimique, en tout cas au 19e siècle, a toujours été l’obtention du corps simple correspondant. Mendeleïev a classifié ce que l’on appelle aujourd’hui des corps simples, et non des éléments chimiques. Aujourd’hui, l’I.U.P.A.C. propose deux définitions de l’élément chimique. C’est ce que nous avons détaillé dans le chapitre 3 de cette thèse.

L’introduction historique de la classification périodique qui consiste à faire remarquer que Li, Na, K, possèdent des propriétés chimiques similaires (réductrices pour faire court !), est une introduction de la classification périodique des éléments chimiques au sens Anglais du terme, c’est-à-dire une introduction à la « classification chimique des corps simples ». La comparaison des propriétés chimiques des halogènes, sans précaution de langage, est du même acabit. Dans l’esprit de l’enseignement français, un élément chimique est assimilable à une case de la classification périodique, et une case n’a pas de propriétés chimiques. Nous sommes donc dans une situation où l’utilisation de l’histoire des sciences est à prendre avec beaucoup de précaution.