Catégorisation des questions des échanges ternaires

Les questions posées ont été d’abord catégorisées en questions du texte de l’activité et questions hors texte (voir la figure 1). Nous avons décompté 113 questions reprenant mot pour mot le texte de l’activité, contre 297 questions hors texte. La faible proportion des questions du texte de l’activité doit être comparée à la valeur 137, qui est le nombre total de questions qu’il y aurait eu si tous les enseignants avaient lu (une unique fois) chaque question. La plupart des questions ont donc en fait été utilisée tel quel.

Nous nous sommes également poser la question de déterminer l’origine des 297 questions hors texte. Les catégories qui ont émergées de l’analyse et leur fréquence sont rassemblées dans ces trois paragraphes, et des exemples sont donnés dans les paragraphes suivants. Sur les 297 questions hors texte, 223 trouvent leur origine dans le contexte du TP de ce qu’a fait (vu, perçu…) l’élève pendant l’activité ou le contexte que venait d’évoquer l’élève dans sa précédente intervention. La démarche de l’enseignant pour « improviser » cette question peut être qualifié de basique puisqu’il vient d’entendre un propos de la bouche d’un élève qu’il estime pertinent à relancer, ce qu’il fait dans l’échange ternaire suivant ; ou bien il se réfère à ce qui s’est passé pendant le TP ou ce qui est écrit dans la fiche de TP et de même l’utiliser pour formuler une question. Nous les notons par question de contexte.

D’un autre côté, 28 questions relèvent de ce qu’on peut appeler un niveau métacognitif, c’est-à-dire qu’elles interrogeaient par exemple l’intérêt d’une question du TP, ou de la connaissance correspondante. Il y a donc dans cette catégorie de questions, certes rares, une demande bien supérieure à celle de la catégorie précédente. L’enseignant, au lieu de se mettre au plus près de ce qui se passe pendant l’activité, élève le débat et fait réfléchir la classe sur le pourquoi des questions posées, sur la stratégie employée, ou sur la connaissance en jeu. Nous les appelons questions méta

Par ailleurs, nous avons observé que 19 questions constituait à simplifier un problème en cours de discussion (simplification), et que 27 questions le rendaient plus complexe, par exemple en établissant des relations entre plusieurs questions, ou en faisant appel à des connaissances d’une autre nature (relation). Ce changement de nature a le plus souvent fait appel à un modèle alors qu’il n’en était pas question dans la question initiale.

Figure 1 : Catégorisation des questions du professeur lors d’un corrigé d’activité expérimental
Figure 1 : Catégorisation des questions du professeur lors d’un corrigé d’activité expérimental

La suite de cette sous-partie fournit quelques exemples de chacune des catégories qui viennent d’être évoquées.

  • Les questions textes quand l’enseignant pose la même question se trouvant dans le texte du TP
    Prof : allez on va mettre les points en commun alors comment peut-on reconnaître simplement le cuivre d’autres métaux comme le fer ou le plomb ?
    Cette dernière partie du professeur est exactement contenue dans la fiche de l’activité
  • Les questions de contexte sont de deux types, soit en référence avec ce que les élèves ont fait, ou observé pendant l’activité expérimentale, soit en référence avec ce que les élèves ont dit :
    E : Une tache
    Prof : Alors F elle était comment la tienne ? [Il est question d’une tache sur une lame métallique].
    Le professeur utilise une observation des élèves (pratiquement le contexte de la situation, en relation avec le TP), qu’il est donc important de partager avec l’ensemble de la classe.
    Pour le second type (en référence avec ce que les élèves ont dit) autrement dit les questions sont extraites de la réponse de l’élève : quand l’enseignant transforme le commentaire de l’élève en une question :
    Élève : Un doublet non partagé ne peut pas constituer une liaison chimique covalente car ils ne sont pas situés sur la couche externe de l’atome
    Prof : est ce qu’ils ne sont pas situés sur la couche externe (?)
    Le professeur se sert de ce que l’élève a dit (de ses mots), pour poser une nouvelle question. Dans ce cas, il s’agit de faire réfléchir la classe sur une erreur entendue dans la réponse d’un élève.
  • Les questions au niveau méta concernent par exemple les questions de réflexion sur les questions posées, sur les connaissances ou sur les stratégies :
    Prof : on va répondre aux questions suivantes et on va arriver justement à cette réponse est ce qu’on peut dire c’est du cuivre cuivre a priori non / qu’est-ce qu’on utilise pour essayer de comprendre ce qui se passe (?) [L’enseignant a effectivement dit « cuivre cuivre » par imitation d’un élève qui n’avait pas les mots pour distinguer le « cuivre » (= cuivre métallique) et le « cuivre cuivre » (élément chimique cuivre)].
    Cette question est en rapport avec la compréhension des élèves. Le professeur cherche à faire dire aux élèves que pour comprendre ce qui se passe, il va falloir distinguer le cuivre métallique qui disparaît et l’élément chimique cuivre qui, lui, se conserve. Nous sommes effectivement dans le niveau méta.
  • Les 19 questions de simplification de questions ont permis au professeur de décomposer une question complexe ou difficile en questions plus simples qui permettent de répondre progressivement à la réponse, ou de remplacer une question par une autre qui lui ressemble.
    Prof : alors qu’est ce qui se passe une liaison chimique covalente c’est quoi ? (la question un doublet non partagé peut –il constituer une liaison chimique covalente, expliquer pourquoi et là on vous dit à l’aide du modèle 3)
    Donc l’enseignant simplifie la question en la divisant en des questions élémentaires.
  • Les 27 questions de relation ont permis à l’enseignant sont de deux types d’établir des relations soit entre différentes questions ou entre des connaissances étant intervenues à différentes questions soit la relation de question avec le modèle.
    Par exemple, l’activité EC demandait d’ajouter de l’acide nitrique sur du fer, ce qui avait conduit à une question, puis d’ajouter une solution contenant des ions cuivre également sur du fer, ce qui avait conduit à une autre question. Mettre ces deux questions en relation est effectivement intéressant.
    Prof : la 1ère gris / la 2e rose / tout le monde a observé ça aussi / pourquoi est ce qu’on fait 2 fois l’expérience ?
    Dans cette intervention le professeur essaie de faire la relation entre 2 expériences du TP. Il veut probablement s’assurer que les élèves ont compris leur rôle respectif : la première constituant une expérience de référence, et la seconde celle dont on analyse le résultat par rapport à la précédente.
    Prof : oui mais là t’es sur mes Blicks / là pour comparer avec l’élément chimique qu’est ce que je montrais pour mon élément chimique entre la transformation 1 et la transformation 2.
    L’enseignant essaie de faire la relation entre le modèle (les Blicks) et l’expérience (le cuivre).

Le résultat de l’analyse est dans le graphe 1 en petit cercle noir et blanc nous pouvons voir qu'il y a eu 77.3% de questions hors textes et de 22.7% des questions textes.
Si nous regardons la distribution des questions hors textes, nous remarquons ainsi, 75% des questions hors texte sont des questions provenant du contexte, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit du débriefing d’un travail, mais qui relègue à un taux faible le reste des questions qui apporte un plus par rapport audit travail. Cette catégorisation nous a permis de comprendre la relation entre le corrigé et le travail prescrit pendant l’activité ainsi que la manière dont les professeurs rapportent leurs questions à ceux dérivées du texte de l'activité expérimentale, étant (i) plus concret (les questions de contexte), (ii) davantage abstrait (les questions méta), (iii) plus simple (les question de simplification), ou (iv) plus complexe (les questions de relation).

Graphe 1 : les différentes questions posées par l’enseignant lors de la séance de débriefing.
Graphe 1 : les différentes questions posées par l’enseignant lors de la séance de débriefing.

Cette catégorisation laisse 88 questions (17,6%) n’ayant pas été catégorisées, et qui sont pour l’essentiel des questions de poursuite de la question précédente, par exemple : « et alors », ou « et puis » ou « t’es d’accord ». Pour les débriefings de type corrigés étudiés ici, l’origine des questions posées est claire et d’ailleurs comme Carlsen (1992, 1997) le décrit de la façon suivante : « teachers questions to students served the immediate function of eliciting a student response to a scientific topic, as well as other functions, such as maintaining control of the students and the range of discussion topics ». Les questions textes sont lues par le professeur avec le texte de l’activité en main. Elles constituent un tiers seulement des questions posées pendant la séance. Les questions hors textes sont majoritaires et sont en lien avec ce qui s’est passé pendant l’activité, ou avec ce que l’élève vient d’en dire. Ce sont rarement des questions méta ou de mises en relations, que l’on peut considérer comme les questions qui, de temps en temps, élèvent le débat.