Cas de l’activité Modèle de Lewis (ML)

La séquence d’enseignement incorporant l’introduction du modèle de Lewis a été légèrement différente pour les deux enseignants H et M que nous avons observés. H a donné le modèle à lire à la maison, accompagné de 4 questions, avant de l’utiliser en classe. La préactivation, c’est-à-dire la correction de ces 4 questions avant de proposer aux élèves de traiter l’activité, a duré 6 min 50 s et 6 min 53 s pour chaque demi-classe. Puis les élèves ont réalisé la première activité de la séance en 11 min pour les élèves de H, et 20 min pour ceux de MC. Chaque enseignant a corrigé l’activité, en 10 min 05 s et 12 min 37 s pour H, et en 9 min 04 et 7 min 01 s pour M.

Plusieurs différences de durées apparaissent dans le tableau 3. Elles s’expliquent de la façon suivante : (1) les élèves de H ont été plus rapides : entre 9 min et 10 min 27 chez H, et entre 20 et 27 min chez M qui n’avait pas préactivé le modèle. Suivant toute vraisemblance, la lecture du modèle est difficile et prend du temps. (2) Le corrigé a duré plus chez H que chez M, car H a fait en sorte de laisser fréquemment la parole aux élèves, on décompte 30 et 38 échanges ternaires, alors que M (qui s’est ensuite dite pressée par le temps) ne questionnait la classe qu’après de longs monologues. Il n’y a eu que 9 et 7 échanges ternaires. On comprend que, pour gérer la perte de temps due à la lenteur de ses élèves lors de l’activité, M a conservé la parole au lieu de la partager avec la classe. Pour autant, le nombre de facettes apparues pour ces deux collègues est peu différent (voir Tableau 4), attestant d’un contenu proche.

Tableau 3 – Déroulement de la séance et durée des différentes phases pour deux demi-classes.
Tableau 3 – Déroulement de la séance et durée des différentes phases pour deux demi-classes.

Nous avons constaté que les enseignants utilisaient entre 16 et 21 facettes que ce soit pour une préactivation ou un corrigé (voir Tableau 4 – ci-dessous). Chaque corrigé étudié (préactivation, ou activité) a mis en jeu le même modèle, et celui-ci semble nécessiter une vingtaine de facettes pour fonctionner. Ces facettes étant variables d’un enseignant à l’autre et d’un corrigé à l’autre, et il en a résulté 100 facettes mises en jeu en tout (annexe 6 document 6 b). Nous pouvons remarquer que lors de ce type de sujet (Le modèle de Lewis) les enseignants mettent en jeu un plus grand nombre de facettes en comparant avec celles de l’élément chimique.

La raison de l’abondance des facettes retrouvées dans les corrigés semble lié au fait que cette activité met en jeu le texte d’un modèle qui gère les connaissances théoriques définissant et utilisant un grand nombre de concepts sensibles : molécule, liaison covalente, et doublets d’électrons liants et non liants, à partir des termes électrons, couches électroniques, règle du duet et de l’octet, et d’ions monoatomiques. Ce texte peut être analysé en termes de facettes. Il en contient 18 dont 12 sont communes avec un des manuels utilisés, et 1 avec le texte de l’activité (voir annexe 1 document 1 b). Le manuel fait apparaître 29 facettes. Sur les 100 facettes utilisées par les 2 enseignants lors de 2 préactivations, 4 corrigés et 1 cours, peu de facettes sont strictement présentes dans le modèle (entre 2 et 8 suivant les cas – Tableau.4). Cela indique que la plupart des facettes apparaissant dans les discours des enseignants sont spontanées. On constate que l’ordre de grandeur du nombre de facettes dans chaque situation est proche de celui présent dans le texte du modèle. Cela peut laisser penser que le modèle de Lewis, quelque soit la situation (corrigé ou préactivation), requiert l’usage d’une vingtaine de facettes. Le cours filmé a permis à l’enseignant d’en introduire un plus grand nombre, 30, nombre curieusement voisin du nombre de facettes présentes dans le cours du manuel, 29. Nous ne disposons pas de données suffisantes pour généraliser mais il se trouve qu’un corrigé, dans les cas étudiés, est moins riche qu’un cours d’enseignement ou de manuel. Dans le cours étudié le nombre de facettes remarqué était 30 tandis que dans un corrigé était 20.

Tableau 4 : Nombre de facettes du modèle utilisées par chaque enseignant dans chaque situation, et nombre de facettes totales.
(ML) HE Préact 1 HE Corrigé 1 HE Préact 2 HE
Corrigé 2
HE Cours MC Corrigé 1 MC Corrigé2 Cours du manuel
Facettes modèle 4 8 4 7 2 6 2 12
Facettes totales 15 19 19 21 30 19 16 29

Si les facettes sont en nombres comparables dans le modèle et pour son utilisation par un enseignant lors d’un corrigé, leur complexité est moindre dans le discours oral de l’enseignant que dans le texte écrit du modèle. Parmi les 100 facettes utilisées par les enseignants, 6 ne font intervenir que 1 concept : FMLA1 : par exemple, La liaison covalente est représentée par un trait ; 49 en font intervenir 2 comme dans FMLB3 : Un doublet représente 2 électrons ; 22 en font intervenir 3 comme dans FMLC6 : Chaque atome de la molécule respecte la règle de stabilité ; 9 en font intervenir 4; 5 en font intervenir 5 ; 1 en fait intervenir 6; 4 en font intervenir 7; 3 en font intervenir 8. Par ailleurs 1 facette a fait intervenir 9 concepts (voir Tableau.5). Cette différence de complexité entre le discours oral et le texte du modèle n’est certes pas surprenante puisqu’un texte écrit est forcément plus travaillé et aboutit donc à un nombre supérieur de concepts en relation (à quelques rares exceptions près). Il apparaît que, à part quelques facettes mettant relation 7, 8 ou 9 concepts, les facettes du modèle sont plus complexes que celle du cours du manuel (voir le pic pour 7 concepts en relation), qui sont elles-mêmes moins complexes que celles du discours des enseignants (voir le pic pour 5 concepts en relation dans la figure 7).

Tableau 5 : Complexité des facettes et leur pourcentage d’apparition dans le discours des enseignants, du cours du livre, et du texte du modèle.
Nombre de concepts par facette Enseignants
%
Livre
%
Modèle
%
1 6 0 6
2 49 48 39
3 22 38 17
4 9 0 0
5 5 14 17
6 1 0 0
7 4 0 22
8 3 0 0
9 1 0 0
Figure 7 : Représentation des données du tableau 5.
Figure 7 : Représentation des données du tableau 5.

Les fréquences d’apparition des concepts sensibles mis en relation par les enseignants, au sein des facettes, diffèrent notablement des fréquences dans le texte du modèle ou du cours du livre. Le concept le plus convoqué par les enseignants et dans le cours du livre est celui d’atome avec 24,4% dans les facettes des enseignants, et 25,9% dans le cours du livre, mais c’est celui d’électron dans le modèle avec 31,3%, l’atome n’apparaît qu’en second avec 25,4%. L’électron apparaît avec une fréquence de 23,1% chez les enseignants, 22,2% dans le livre, et 25,4% dans le texte du modèle. Pour les concepts moins utilisés, il en est de même, de nombreuses inversions apparaissent (Tableau.6). L’utilisation d’un modèle apparaît dans ce cas différent suivant les situations.

Tableau 6 : Pourcentage d’apparition des concepts sensibles dans les facettes de connaissances chez deux enseignants (1ère ligne), dans le cours du livre (2e ligne) et dans le texte du modèle (3e ligne).
Concept atome électrons liaison covalente doublets L doublets NL structure octet doublet
Prof 24,4 23,1 9,8 8,5 6,4 5,6 4,3
Livre 25,9 22,2 9,9 4,9 3,7 4,9 1,2
Modèle 25,4 31,3 6 7,5 4,5 3 4,5
Concept structure duet couche molécule règle de stabilité ion éléments z numéro atomique
Prof 4,3 3,8 3,8 3,4 1,7 0,4 0,4
Livre 4,9 8,6 4,9 1,2 4,9 0 2,5
Modèle 3 4,5 6 0 3 0 1,5

Une instanciation du modèle a été remarquée dans le débriefing de M lors de la séance de ML. Son débriefing consistait en une relecture de la partie du modèle, faire quelques brefs commentaires, puis de montrer (par deux fois) comment fonctionne le modèle dans la réponse à la question.

Prof : [….] donc là ça va servir pour répondre à la question d /un doublet liant, c’est-à-dire une liaison chimique covalente est donc représentée par un trait entre les symboles de 2 atomes, et un doublet non partagé est représenté par un trait à côté du symbole d’un atome/ ça veut donc dire qu’ici j’avais [elle écrit au tableau] là c’est un doublet partagé [elle montre le trait entre H et Cl ou la liaison covalente] / donc ce qu’on appelle un doublet liant / [alors qu’ici elle montre les doublets de Cl,] ils ne sont pas partagés ici j’ai en tout 3 doublets non partagés/ donc pour le chlore ces électrons là ils ne les partagent pas, ils les gardent pour lui / [….] maintenant je m’intéresse car j’ai dessiné la molécule/les deux électrons d’un doublet qui lient deux atomes A et B font partie des électrons qui entourent l’atome A et des électrons qui entourent l’atome B/ donc là dans la question utiliser l’énoncé 3 et 4 pour savoir si on a le respect/ donc si on étudie H dans la molécule / donc là je m’intéresse à H dans la molécule HCl / on ne s’intéresse qu’à lui alors donc j’ignore Cl [elle cache Cl sur le tableau]on a dit que ce qui participait à la liaison covalente c’est le doublet partagé il fallait le compter comme les électrons qui entourent H/

Dans cet extrait de transcription nous remarquons une utilisation explicite du modèle en l’instanciant dans la situation de la question.