Exemple du modèle hiérarchique de la mémoire de Tulving (1972, 1995)

Proposée dans les années 70, puis modifiée à plusieurs reprises, l’approche multi-systèmes d’Endel Tulving (1972, 1995) constitue l’un des plus importants modèles du courant structuraliste encore d’actualité (voir aussi Eustache & Desgranges, 2003).

À l’origine, l’auteur oppose en mémoire à long terme trois systèmes mnésiques bien distincts : le module responsable des connaissances sémantiques c’est-à-dire des connaissances générales sur le monde, décontextualisées et amodales. Le module des connaissances épisodiques relatives aux évènements vécus par l’individu et inscrites dans un contexte spatio-temporel. Enfin le module des habiletés motrices ou cognitives.

Plus tard, entre autres afin de pouvoir expliquer les effets d’amorçage perceptifs, Tulving ajoute un système dédié aux représentations perceptives (SRP). Le SRP est lui-même divisé en SRP de la forme visuelle des mots, en SRP de la forme auditive des mots et en SRP de la description structurale des objets. Ce système joue également un rôle important dans le processus d’abstraction « qui transforme le percept en une représentation abstraite compréhensible par le système symbolique (sémantique pour Tulving) » (Rousset, 2000, p.29). Il est intéressant de noter que ce processus fréquemment évoqué n’est pourtant que peu défini dans la littérature.

Toujours dans une volonté d’améliorer son modèle et pour rendre compte de certaines relations entre les systèmes, Tulving propose en 1995 le modèle SPI (Sériel, Parallèle, Indépendant). Il s’agit d’un modèle par « emboîtement » où les mémoires précédemment décrites forment un ensemble de systèmes organisés hiérarchiquement (voir figure 1). Plus les systèmes de mémoire sont bas dans la hiérarchie, plus ils sont autonomes c’est-à-dire que leur activité est indépendante des systèmes de plus haut niveau. La mémoire procédurale en charge des habiletés est le système le plus indépendant et à la base de l’architecture. Ses relations avec les autres systèmes ne sont cependant pas très développées par Tulving. Le système suivant est le système dédié aux représentations perceptives qui encode et stocke les informations sensorielles, puis les transfère (décontextualisées) vers la mémoire sémantique. Dans le modèle SPI, la mémoire sémantique est de plus bas niveau que la mémoire épisodique. Tulving associe chacune de ces deux mémoires à des états de conscience différents et décrit l’état autonoétique en lien avec la mémoire épisodique, comme responsable de la mémorisation des informations personnelles et contextualisées. Enfin, la mémoire de travail est intégrée à ce modèle et se situe entre les systèmes sémantique et épisodique.

Pour finir, Tulving décrit - le processus d’encodage dans un système - comme un processus dépendant de la qualité de l’encodage dans le système précédent. En revanche, la récupération d’une information dans un de ces systèmes est autonome et indépendante. L’indépendance se traduit par le fait que rappeler une information ne nécessite pas la récupération d’autres informations contenues dans les autres systèmes. Cette dernière propriété permet par exemple d’expliquer des pathologies du type sémantique où la mémoire épisodique des patients est relativement préservée.

Aujourd’hui, Endel Tulving continue encore son travail de recherche en y incluant des données issues de l’imagerie fonctionnelle. Les hypothèses essentielles de son modèle se concentrent toujours sur l’opposition entre des connaissances amodales et modales, contenues dans des aires cérébrales spécifiques.

Figure 1. Organisation par « emboîtement » des systèmes de mémoire selon Tulving (1995). Illustration provenant de l’article de Martins, Guillery-Girard et Eustache (2006).
Figure 1. Organisation par « emboîtement » des systèmes de mémoire selon Tulving (1995). Illustration provenant de l’article de Martins, Guillery-Girard et Eustache (2006).