1.5. Limites des modèles à traces multiples et préoccupations actuelles

Certains points restent cependant encore critiquables. Comme nous l’avons déjà dit, Hintzman suppose que les informations sont représentées en mémoire sous formes de traces indépendantes, séparées. Mais peut-on réellement envisager l’existence de traces mnésiques spécifiques à chaque expérience et spatialement localisable? D’un point de vue biologique, ces traces sont stockées  dans des réseaux neuronaux et il semble logique qu’un même réseau de neurones serve au codage de multiples traces. De plus, des expériences en psychologie cognitive montrent que les traces d’un événement reflètent à la fois le codage de cet événement mais aussi le contenu de la réactivation des traces déjà présentes en mémoire. Il s’agit d’une contamination des traces nouvelles par les anciennes qui met à mal leur supposée indépendance (pour une discussion, voir Damas, Versace, & Mille, 2001). Au-delà de la question de la compatibilité avec la réalité biologique du cerveau, ce modèle et plus généralement les modèles à traces multiples ne décrivent pas non plus réellement la nature des dimensions constitutives des traces et leur processus d’activation. Les auteurs proposent une simple « co-occurrence » des primitives sans pour autant aborder les processus qui sous-tendent les intégrations entre les différents éléments activés, processus pourtant nécessairement en lien avec la dynamique de l’émergence des connaissances.

Globalement, une véritable architecture de la mémoire reste à proposer, qui rendrait compte de ces divers processus au sein d’une implémentation biologiquement plausible. Déjà certains modèles connexionnistes proposent une alternative en postulant que l’information n’est pas localisée précisément mais répartie sur l’ensemble du cerveau, au sein de réseaux de neurones. Les connaissances sont la résultante de l’interaction entre les circonstances de l’encodage et les conditions de la récupération. Ainsi, le sens n’est pas stocké mais émerge d’une activation simultanée des informations, distribuées sur l’ensemble des connexions du réseau (McClelland & Rumelhart, 1986 ; Whittlesea, 1989).

Finalement, les nouveaux modèles vont avoir pour objectifs de répondre à l’ensemble de ces contraintes, en précisant le contenu des traces ainsi que les processus à la base de la dynamique d’émergence des connaissances.