Les zones motrices activées durant la compréhension du comportement d’autrui : le phénomène miroir

L’un des traitements cognitifs le plus remarquable impliquant les zones motrices concerne sans aucun doute le « phénomène miroir ». L’équipe italienne de Giacomo Rizzolatti a en effet mis en évidence l’activité de ces zones cérébrales durant l’observation passive d’un acte moteur (Gallese, Fadiga, Fogassi, & Rizzolatti, 1996; Haris et al., 1998). Récemment, de nombreuses expériences ont affiné la compréhension de ce phénomène.

Par exemple, Buccino et al. (2001) montrent que les patterns d’activation des neurones miroirs varient en fonction du membre du corps qui exécute l’action observée. Le « phénomène miroir » n’est donc pas restreint aux actions manuelles, mais peut être spécifique d’un mouvement de la bouche, de la main ou du pied. L’activation cérébrale allant de la partie ventrale à la partie dorsale du cortex pré-moteur selon le membre observé, les auteurs mettent en évidence une sorte d’organisation somatotopique de ces patterns.

Par ailleurs, Gazzola et al. (2007)vont plus loin en montrant que cette somatotopie est soumise au phénomène général de plasticité. En utilisant l’IRM fonctionnelle, ils ont mesuré l’activité du cerveau de deux patients aplasiques, nés sans mains ni bras. Il faut noter que ces personnes réalisent la plupart des tâches motrices quotidiennes à l’aide de leur bouche et de leurs pieds, qui remplacent en quelque sorte leurs mains. Tandis qu’ils voyaient sur un écran des individus réaliser des actions manuelles, l’IRM a montré dans le cerveau des sujets, une activation spontanée des régions impliquées dans le contrôle de leurs pieds.

Enfin, une intéressante propriété des patterns d’activation des neurones miroirs  concerne la « spécificité au contexte ». Ces patterns sont en effet modulés par le contexte dans lequel est réalisé le geste observé. Lacoboni et al. (2005) montrent que l’observation d’un geste de préhension réalisé dans un contexte spécifique (prendre un verre sur une table de petit déjeuner), provoque chez les sujets une plus grande activité des neurones miroirs que le même geste réalisé en l’absence de contexte. La figure 5 illustre les conditions de l’expérience. L’activité neuronale des sujets est plus importante dans la condition « intention » que dans la condition « action ». De plus, si pour un même geste le contexte varie : « drinking » (début du petit-déjeuner) versus « cleaning » (après le petit-déjeuner), alors le pattern d’activation des neurones miroirs varie aussi. Le contexte indiquerait ici l’intention associée au geste (prendre le verre pour boire versus prendre le verre pour débarrasser). Pour les auteurs, la modulation de l’activité de ces neurones en fonction du contexte traduit le fait que ces neurones sous-tendent la cognition motrice mais pas seulement : ils constituent aussi un système neuronal qui coderait, automatiquement, les intentions d’autrui. Pour certains auteurs, les neurones miroirs contribueraient à la compréhension psychologique d’autrui, au mindreading, puisqu’ils permettent d’anticiper les plus probables résultats auxquels les gestes observés devraient aboutir (Gallese & Goldman, 1998 ; Gallese, 2003).

Figure 5. Exemples des différentes conditions expérimentales utilisées dans l’expérience de Lacoboni et al. (2005).
Figure 5. Exemples des différentes conditions expérimentales utilisées dans l’expérience de Lacoboni et al. (2005).

Pour résumer, ces trois expériences montrent que le cortex prémoteur peut non seulement être considéré comme un agent de l’exécution motrice mais également comme une région cérébrale engagée automatiquement dans l’analyse du comportement d’autrui : cette analyse semble fine (somatotopique), plastique et adaptée au contexte. Dans une perspective cognitive, toutes ces propriétés permettent une sorte d’imitation intérieure des actions observées afin d’en comprendre rapidement les éventuels aboutissements.